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RÉFLEXIONS

§ IX. Exhortation aux médecins, et proposition au gouvernement.

Combien ne serait-il pas à souhaiter que les médecins, au lieu de se quereller, de s’injurier, de se déchirer mutuellement au sujet de l’inoculation avec un acharnement théologique, au lieu de supposer ou de déguiser les faits, voulussent bien se réunir, pour faire de bonne foi toutes les expériences nécessaires sur une matière si intéressante pour la vie des hommes ?

Combien ne serait-il pas à souhaiter qu’au moyen de ces expériences, non-seulement les adversaires de l’inoculation cessassent de l’attaquer, mais que ses partisans même se réunissent sur les faits relatifs à cette question importante ; sur la meilleure manière de donner et de traiter la petite vérole artificielle ; sur l’espèce de préparation qui y convient le mieux ; sur l’âge, le temps, les circonstances les plus favorables pour se soumettre à cette maladie ; et sur les effets qui en résultent quand la guérison est achevée. Il ne suffit pas, pour le plus grand bien de l’inoculation, que ceux qui la pratiquent ne perdent aucun de leurs malades, malgré la différence des méthodes qu’ils suivent ; il faut encore que les suites de cette maladie soient les plus avantageuses pour la santé qu’il est possible : et c’est à quoi on ne peut parvenir que par des observations exactes, et faites sur un grand nombre de sujets, avant l’opération, pendant la cure, et après la maladie.

Combien ne serait-il pas à souhaiter que dans celles de ces expériences qui pourraient paraître dangereuses, la justice voulut bien abandonner à la médecine quelques malheureux condamnés à mort, qui trouveraient dans une pareille épreuve l’expiation de leurs crimes, sans que leur famille fût déshonorée, jet souvent même la conservation de leur vie, devenue par ce moyen utile à l’État.

Combien ne serait-il pas à souhaiter que dans un pays oii l’on prononce et l’on écrit si souvent le grand mot de bien public, le gouvernement donnât, pour des expériences si utiles, toutes les facilités nécessaires ?

Combien ne serait-il pas à souhaiter qu’il ordonnât aux Facultés de médecine de se rendre particulièrement attentives aux effets de la petite vérole naturelle, à la quantité plus ou moins grande de ceux qui en sont attaqués, surtout dans les épidémies, à marquer ceux qui en périssent, ceux qui en sont multilés ®u défigurés, les circonstances oii elle est le plus ou le moins