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DISCOURS

PRÉLIMINAIRE

DE L’ENCYCLOPÉDIE.


LEncyclopédie est, comme son titre l’annonce, l’ouvrage d’une société de gens de lettres. Nous croirions pouvoir assurer, si nous n’étions pas du nombre, qu’ils sont avantageusement connus, ou dignes de l’être. Mais sans vouloir prévenir un jugement qu’il n’appartient qu’aux savans de porter, il est au moins de notre devoir d’écarter avant toutes choses l’objection la plus capable de nuire au succès d’une si grande entreprise. Nous déclarons donc que nous n’avons point eu la témérité de nous charger seuls d’un poids si supérieur à nos forces, et que notre fonction d’éditeurs consiste principalement à mettre en ordre des matériaux dont la partie la plus considérable nous a été entièrement fournie. Nous avions fait expressément la même déclaration dans le corps du prospectus ; mais elle aurait peut-être dû se trouver à la tête. Par cette précaution, nous eussions apparemment répondu d’avance à une foule de gens du monde, et même à quelques gens de lettres, qui nous ont demandé comment deux personnes pouvaient traiter de toutes les sciences et de tous les arts, et qui néanmoins avaient jeté sans doute les yeux sur le prospectus, puisqu’ils ont bien voulu l’honorer de leurs éloges. Ainsi le seul moyen d’empêcher sans retour leur objection de reparaître, c’est d’employer, comme nous faisons ici, les premières lignes de notre ouvrage à la détruire. Ce début est donc uniquement destiné à ceux de nos lecteurs qui ne jugeront pas à propos d’aller plus loin : nous devons aux autres un détail beaucoup plus étendu sur l’exécution de l’Encyclopédie : ils le trouveront dans la suite de ce discours ; mais ce détail, si important par sa nature et par sa matière, demande à être précédé de quelques réflexions philosophiques.

L’ouvrage que nous commençons (et que nous désirons de finir) a deux objets : comme encyclopédie, il doit exposer, autant qu’il est possible, l’ordre et l’enchaînement des connaissances humaines : comme dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, il doit contenir sur chaque science et sur chaque art, soit libéral, soit mécanique, des principes généraux qui en