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RÉFLEXIONS

l’avantage d’échapper à la petite vérole par l’inoculation ; et c’est une question que je ne veux pas décider, de savoir si la loi est en droit d’ôter cet avantage au plus grand nombre de citoyens, par l’inconvénient vraisemblablement léger, et encore plus douteux, que quelques uns pourraient en ressentir. Il paraîtrait au moins juste de faciliter, par quelque moyen, aux citoyens pauvres ou peu opulens, c’est-à-dire à la partie la plus nombreuse et la plus précieuse de l’État, le moyen de se faire inoculer, s’ils jugent à propos de se soumettre à cette opération.

§ VIII. Autres objections peu fondées contre l’inoculation. Ce que doivent faire les inoculateurs pour mettre leur bonne foi entièrement à couvert.

Je n’examinerai point d’autres objections, à peu près de la même nature que celle de la contagion prétendue ; si, par exemple, il n’est pas à craindre qu’en insérant la petite vérole, on n’insère d’autres maladies. Si, dans ceux sur lesquels le virus variolique ne prend pas, il ne peut causer des maux d’une autre espèce. L’expérience seule peut répondre à ces questions ; et le peu de lumières qu’elle nous a données jusqu’à présent pour y satisfaire, ne nous a rien appris, ce me semble, de contraire à l’inoculation, ni qui doive en détourner. De pareils doutes, quand ils ne sont point fondés sur des faits, doivent céder aux probabilités si multipliées en faveur de cette opération.

Il faut cependant en convenir ; et pourquoi hésiterions-nous sur cet aveu, dans un ouvrage oii notre unique but est de chercher sincèrement la vérité ? quelques partisans de l’inoculation se sont trop avancés dans leurs premiers écrits, quand ils ont prétendu que ceux sur lesquels l’inoculation ne prendrait pas, ou n’auraient point en eux le germe de la petite vérole, et par conséquent ne l’auraient jamais naturellement, ou peut-être l’auraient déjà eue. Il a été bien prouvé depuis, et par leur aveu même, que des personnes inoculées en vain à plusieurs reprises, ont eu ensuite la petite vérole naturelle. Sans doute il serait à souhaiter que l’inoculation, si on peut parler de la sorte, ne manquât jamais son coup ; cependant que peut-on après tout inférer du très-petit nombre de faits contraires ? Il en résulte seulement que le très-petit nombre de ceux sur qui l’inoculation ne réussit pas, peuvent encore craindre la petite vérole ; mais cet inconvénient ne diminue rien des avantages de cette opération pour ceux sur lesquels elle réussit.

On a prétendu, il est vrai y que d’habiles inoculateurs ont