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SUR L’INOCULATION.

permette cette expression, non-seulement aux 10 personnes qui en sont mortes, mais à 316 personnes sur les 1734 qui ont péri de la petite vérole naturelle ; supposition trop étrange pour qu’il soit besoin de la réfuter.

N’était-il pas sans couîparaison plus vraisemblable, selon l’observation d’un journaliste, de conclure que si on eût inoculé les 6456 personnes malades de la petite vérole naturelle, il n’en serait mort que 18 à 19 au lieu de 1634, et que par conséquent l’inoculation aurait sauvé la vie à 1600 citoyens ?

Mais quoi qu’il en soit, et sans entrer dans cette dernière considération, d’ailleurs si naturelle, le raisonnement que nous examinons demeure sans force, s’il est vrai, comme il y a tout lieu de le croire, qu’aucun inoculé, choisi et traité avec soin, n’est la victime de cette opération.

§ VII. Si l’inoculation augmente la mortalité de la petite vérole.

Il restait pourtant encore une question ; car nous ne voulons rien oublier, s’il est possible. L’augmentation de mortalité de la petite vérole qu’on a observée à Londres dans ces derniers temps, ne viendrait-elle pas, au moins en grande partie, de l’inoculation ? Pour répondre pleinement à cette diffculté, il faudrait, s’il était possible, avoir un registre des personnes attaquées de la petite vérole, et examiner 1o. si ce nombre est plus grand, année moyenne, depuis l’époque de l’inoculatioii qu’auparavant ; 2o. si en le supposant plus grand, la mortalité de la petite véroîe n’est pas augmentée dans une plus grande proportion : quelques essais de calcul paraissent le prouver. M. Jurin a fait voir qu’en l’année 1723, qu’on appelle en Angleterre l’année de l’inoculation, la grande mortalité de la petite vérole fut en janvier et février, et qu’on ne commença d’inoculer que le 27 mars. On a fait voir de plus, dans différens écrits, qu’il n’est nullement prouvé que l’inoculation, depuis seize ans qu’elle est devenue commune à Londres, y ait augmenté réellement ni le nombre des petites véroles na, turelles, ni la mortalité de cette maladie ; il ne paraît pas prouvé davantage, de l’aveu de presque tous les médecins, que depuis qu’on inocule à Paris, la petite vérole soit devenue plus fréquente, ni plus dangereuse qu’elle ne l’était auparavant. Ainsi l’objection tirée de la prétendue contagion ne paraît pas jusqu’ici devoir être d’un grand poids : elle doit même cesser tout-à-fait depuis l’arrêt qui ordonne qu’aucune inoculation ne sera pratiquée dans l’intérieur de la ville. Il est vrai que cet arrêt ôte aux familles peu aisées