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SUR L’INOCULATION.

§ V. Seul moyen de décider sans réplique la question, si l’inoculation augmente la vie des hommes ?

Il n’y aurait donc d’autre parti à prendre pour décider la question, si l’inoculation augmente la vie moyenne des hommes, que de tenir dans chaque lieu des registres mortuaires bien détaillés ; de distinguer dans ces registres, autant qu’il serait possible, les inoculés de ceux qui ne l’ont pas été, et de voir si la vie moyenne des inoculés est plus grande que celle des autres hommes. C’est ce qu’on n’a pas encore fait jusqu’ici ; et d’ailleurs il y a trop peu de temps qu’on pratique l’inoculation, même dans les lieux où elle est le plus en vigueur, pour qu’on put tirer encore de ces registres des conclusions valables.

Si après avoir tenu ces registres exactement pendant un grand nombre d’années, il se trouvait que la vie moyenne des inoculés est en effet plus grande, que ne l’était la vie moyenne des citoyens avant la pratique de l’inoculation, il en résulterait alors bien évidemment que l’inoculation serait avantageuse. Si la vie moyenne des inoculés ne se trouvait pas plus grande, ou même était plus petite que ne l’était la vie moyenne avant qu’on pratiquât l’inoculation, alors il faudrait encore examiner, si en commençant à l’époque de l’inoculation, et en faisant abstraction des temps antérieurs, la vie moyenne des inoculés est plus grande que celle des non inoculés ; et en cas qu’elle le fût, on pourrait encore conclure avec sûreté que l’inoculation serait très-utile.

Cette dernière considération est d’autant plus nécessaire qu’on observe que depuis plusieurs années la mortalité de la petite vérole est devenue plus grande à Londres qu’elle ne l’était auparavant : quelles que soient les raisons de ce fléau, les mêmes causes qui rendent la petite vérole plus maligne, pourraient bien influer de même sur les autres maladies, et les rendre par conséquent plus communes et plus dangereuses. En ce cas la vie moyenne aurait réellement été augmentée par l’inoculation, quoiqu’elle ne parut pas l’être, ou même qu’elle parut diminuée. M. Monro, dans l’ouvrage que nous avons déjà cité, assure que depuis dix ans qu’on inocule à Edimbourg, la mortalité a été moindre de 1086 personnes que dans les années précédentes. M. Razoux assure que de 78 inoculés, il n’en est mort que 4 en neuf ans, par les maladies ordinaires, et assez long-temps après l’opération. Ces faits seraient déjà un commencement de preuve en faveur de l’inoculation ; mais je conviens qu’il est nécessaire d’en avoir un bien plus grand nombre, et d’observer pendant Ires-long-temps.