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RÉFLEXIONS

événement doit-il être attribué à l’inoculation ? C’est ce qu’il est bien difficile de prouver, d’autant plus qu’un très-grand nombre d’autres inoculés ont joui après cette opération d’une aussi bonne santé qu’auparavant. L’inoculation préserve de la petite vérole, mais il n’est pas dit qu’elle doive préserver d’autres maladies ; et combien de personnes ayant eu la petite vérole naturelle, et en ayant été bien guéries, ont été ensuite sujettes à des infirmités qu’on aurait tort d’attribuer aux suites de la petite vérole ?

Soyons au reste de bonne foi. Il peut se faire, et M. Monro semble en convenir dans l’ouvrage déjà cité, que l’inoculation ait été suivie quelquefois d’accidens ou d’infirmités qu’il ne paraissait pas qu’on put attribuer à une autre cause. Mais outre que ces accidens et ces infirmités sont tombés pour l’ordinaire sur des sujets déjà malsains avant l’opération, M. Monro assure que, suivant le rapport unanime de ses correspondans, la petite vérole naturelle est beaucoup plus sujette à entraîner de pareilles suites. Il reste donc à savoir si une personne bien saine, bien examinée par un médecin sage, bien préparée enfin à l’inoculation, doit s’y refuser par la crainte de se voir sujette en conséquence à quelques infirmités, fort rares, et presque toujours passagères. Il me semble qu’un tel motif n’est pas fait pour épouvanter beaucoup. J’ajoute qu’on aura d’autant moins ces infirmités à craindre, que le médecin auquel on se sera confié aura plus d’expérience, et sera plus en état par conséquent de prévenir les incommodités qui pourraient survenir à la suite de l’opération. Il y a apparence qu’elles seront d’autant moins fréquentes, que la pratique de l’inoculation se perfectionnera davantage.

Les infirmités, arrivées à la suite de l’inoculation, peuvent aussi venir de ce que les malades auront été inoculés avec une petite vérole de mauvaise espèce. Je sais que parmi les inoculateurs qui ont pratiqué à Paris, il y en a eu qui n’ont pas été assez difficiles, ni même assez attentifs sur le choix de la matière qu’ils employaient ; et qui ayant sous les yeux, par exemple, deux enfans malades de la petite vérole, choisissaient indifféremment celui des deux qui avait une petite vérole maligne confluente, ou celui qui avait une petite vérole discrète et bénigne pour en faire la matière de leur inoculation. Je sais même, et je pourrais citer des personnes connues, inoculées par ces médecins, lesquelles ont été en grand danger, et ont eu une convalescence longue, fâcheuse et pénible. Mais je me contente d’exhorter les inoculateurs à se rendre attentifs à un point de si grande importance.