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SUR L’INOCULATION.

faut avouer de plus que, quand même le cas arriverait, il pourrait être si rare qu’on serait autorisé à le regarder dans la pratique comme n’existant pas. Pour être en droit de croire l’inoculation très-utile, il suffirait qu’un inoculé n’eût pas plus à craindre la petite vérole que celui qui l’aurait déjà eue naturellement. Or il est certain que ceux qui ont eu la petite vérole naturelle, sont au moins rarement exposés à l’avoir une seconde fois. Quand on veut savoir si quelqu’un est menacé de la petite vérole, la première question qu’on fait est de savoir s’il l’a déjà eue.

Qu’on nous permette à cette occasion une réflexion bien naturelle ; n’est-ce pas le scandale de la médecine, de voir les praticiens les plus employés disputer entre eux sur la question, si on peut avoir deux fois la petite vérole ? Une telle controverse suppose que cette maladie, malheureusement si commune, n’a pas encore été assez bien observée pour que les médecins conviennent unanimement de ce qui en fait le véritable caractère. Qu’ils ignorent l’art de guérir, comme ils ne le font voir que trop, ce n’est peut-être pas leur faute ; mais qu’après onze siècles d’observations, ils ne soient point d’accord sur les symptômes qui la constituent, c’est ce qui est incompréhensible, et qu’il est bien difficile de ne leur pas reprocher. Ce reproche au reste ne tombe, comme on doit le sentir, que sur celui des deux partis qui se trompe ici dans son assertion ; nous devons même ajouter que, dans le doute où cette dispute nous laisse, la présomption est pour les médecins habiles et expérimentés, qui nous assurent avoir traité detix fois la même personne d’une petite vérole bien décidée et bien caractérisée. Quoi qu’il en soit, ces médecins même conviennent que le fait est rare, et cela suffit pour autoriser l’inoculation.

§ IV. Si l’inoculation augmente la vie des hommes.

Venons à la seconde question, si l’inoculation augmente la vie moyenne des hommes ? Cette question se réduit à savoir, si l’inoculation en nous garantissant ou absolument ou presque absolument de la petite vérole, n’emporte pas après elle aucune autre maladie mortelle ou dangereuse, ne dérange pas l’économie animale par une opération forcée, et nest pas la source secrète d’un désordre qui doit abréger les jours ? Les adversaires de l’inoculation prétendent que plusieurs personnes, qui avant d’être inoculées jouissaient d’une santé parfaite, ont eu depuis une santé languissante. Le fait peut être vrai sur quelques unes, car il paraît qu’on en a grossi la liste j mais cet