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RÉFLEXIONS

saires et aux partisans de l’inoculation, la bonne foi la plus exacte dans les faits qu’ils rapportent. Le bien de l’humanité y est intéressé ; et peut-être les uns et les autres ont-ils sur ce sujet quelques reproches à se faire. Il faut avouer surtout que les adversaires de l’inoculation ont été jusqu’à présent fort accusés d’être peu exacts dans leurs écrits[1], mais je ne voudrais pas non plus répondre pleinement de l’entière sincérité de tous leurs adversaires, dans les faits qui pourraient ne leur pas être favorables.

Pour nous en tenir donc, quant à présent, aux seuls faits incontestablement avouçs de part et d’autre, il ne paraît pas y avoir eu de victime bien constatée de l’inoculation, du moins à Paris, qu’une jeune personne, inoculée mal à propos en 1765, dans des circonstances critiques, et lorsque l’inoculation commençait à peine à être connue en France. On peut, je crois, assurer que cette jeune personne n’aurait été inoculée, dans l’état ou elle se trouvait, par aucun des médecins éclairés qui pratiquent aujourd’hui cette opération.

On m’écrit de Berlin que Wieffler, médecin à Magdebourg, inocule depuis dix ans la petite vérole dans tout ce duché avec un succès prodigieux ; il ne lui est pas mort un enfant, et les paysans même lui amènent les leurs.

Monro, célèbre médecin d’Edimbourg, dit dans un ouvrage qu’il a fait imprimer depuis peu que, de 5554 personnes inoculées dans cette ville ou aux environs, il n’en est mort que 72, dont 36 ont péri par des causes étrangères, par leur imprudence, ou par l’ignorance de l’opérateur. À l’égard des 36 autres personnes dont Monro ne paraît pas attribuer la mort à d’autres causes qu’à l’inoculation, il y a beaucoup d’apparence que ce n’est pas uniquement sur cette opération qu’il faut en rejeter le reproche ; la preuve en est que dans l’hôpital établi à Londres pour l’inoculation, il n’est mort qu’un inoculé sur 340, au lieu que les 36 personnes mortes sur 5554 donneraient un sur 155 : ce qui serait beaucoup plus fort ; d’où on est en droit de conclure que, si la pratique de l’inoculation était aussi connue et aussi en vogue à Édimbourg qu’à Londres, le nombre des morts inoculés dans la première de ces deux villes aurait été beaucoup moindre.

  1. À Dieu ne plaise qne je venille taxer de mauvaise foi tons les adversaires de la petite vérole artificielle ; il en est plusieurs, entre autres MM. Bouvart. Baron, etc., dont je connais et respecte les lumières et la probité. S’il se trouve des faits qu’on assure être avances légèrement dans un mémoire au bas duquel on voit leur nom, il s’ensuit seulement que ces habiles mcdecins ont pu être trompes ; mais ceux qui les connaissent ne les soupçonneront jamais d’avoir voulu tromper personne.