Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/539

Cette page n’a pas encore été corrigée
497
SUR L’INOCULATION.

crainte qui aura toujours beaucoup de force sur le commun des hommes, quelque légère qu’on la suppose ; parce que d’un côté elle a pour objet un danger présent, et que de l’autre ils ne peuvent comparer avec assez de certitude le risque qu’ils courent à l’avantage qu’ils espèrent.

Aussi ne suis-je point étonné d’avoir entendu dire à Tronchin, l’un des inoculateurs les plus accrédités de l’Europe, qu’il n’inoculerait de sa vie, si un seul inoculé mourait entre ses mains. Je suis moins surpris encore de ce qu’un autre inoculateur (Gatti), qui a pratique beaucoup à Paris, a imprimé dans ses Réflexions sur les préjugés qui s’opposent aux progrès de l’inoculation, pages 98 et 99, que si sur mille inoculés il en mourait un, c’est bien moins qu’un sur trois cents, ce serait déjà pour les inoculés un risque effrayant, et par conséquent pour l’inoculation un grand désavantage. Il y a lieu de croire que ces deux médecins souscriraient sans peine à tout ce que nous avons dit plus haut, sur les raisons principales qu’on a apportées jusqu’ici pour justifier cette opération, et sur les doutes que ces raisons peuvent laisser.

§ II. Preuves quon peut apporter de l’assertion avancée dans le paragraphe précédent.

Mais est-il bien certain qu’on ne meurt jamais de la petite vérole inoculée, lorsqu’elle est donnée avec prudence ?

Jusqu’à présent il ne paraît pas y avoir de preuve du contraire. Je sais que s’il y en avait quelqu’une, les inoculateurs pourraient être intéressés à la cacher ; mais c’est à leurs adversaires à la produire au grand jour, et de manière qu’il ne reste point de porte aux subterfuges : sans doute la vérité pourra être souvent obscurcie ; il lui arrivera pourtant à la fin ce qui lui arrive toujours, de dissiper tous les nuages et de triompher. Un enfant inoculé il y a deux ou trois ans par M. Hosti, périt d’un dépôt dans la tête assez peu de temps après ; on assura, et on rapporta des témoignages qu’il avait fait une chute ; les ennemis de l’inoculation attribuèrent le dépôt à cette opération ; qu’en conclure ? Qu’il faut suspendre son jugement sur ce fait particulier, et le mettre à l’écart sans en tirer de conséquence ni pour ni contre. Les anti-inoculateurs prétendent, il est vrai, qu’il est mort d’autres personnes de l’inoculation, administrée même avec les précautions convenables, et que leur mort a été tenue secrète ; mais c’est* ce qui n’est pas suffisamment prouvé, et les preuves évidentes sont ici nécessaires.

À cette occasion, on ne saurait trop recommander aux ad ver-