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RÉFLEXIONS

Prusse a défendu l’inoculation dans ses États, et mis à l’amende les inoculés et les inoculateurs. Personne n’est plus en état que moi d’attester que ce prince si éclairé, si philosophie, si juste appréciateur des préjugés et des superstitions des Lommes, bien loin d’être opposé à l’inoculation, est au contraire étrangement surpris, pour ne rien dire de plus, des obstacles qu’on y met dans plusieurs autres États ; qu’il l’est encore davantage de riionneur qu’on voudrait faire à cette question, en l’élevant à la dignité de cas de conscience et de problème théologique ; qu’il regarde l’inoculation comme digne d’être favorisée et encouragée, quoique la petite vérole soit beaucoup moins dangereuse dans ses États qu’elle ne l’est à Paris ; mais qu’en monarque aussi équitable que sage, il croit qu’on doit laisser aux citoyens liberté pleine et entière de se livrer ou de se refuser à cette opération.

S’il est évident, d’après les raisons apportées jusqu’ici, que les princes, les États, les corps doivent favoriser unanimement la petite vérole artificielle, il n’est pas également démontré que les particuliers doivent être pleinement persuadés par ces mêmes raisons. Nous avons exposé les calculs les plus plausibles qui puissent les déterminer à subir cette épreuve, et nous n’avons point dissimulé les doutes qu’ils peuvent encore opposer à ces calculs.

Passons à des raisons qui nous paraissent plus convaincantes et plus propres à les décider absolument en faveur de cette opération.

TROISIÈME PARTIE.

Raisons qui paraissent les plus persuasives en faveur de Finoculation.

§ I. Qu’on ne meurt point de la petite vérole inoculée quand elle est donnée avec prudence.

Les réflexions qui viennent d’être exposées dans les deux premières parties de cet écrit, n’attaquent pas, comme il est aisé de le voir, l’inoculation en elle-même, mais seulement la prétendue évidence des calculs par lesquels on a cru l’appuyer, en avouant qu’on pouvait en mourir. Il eût été plus simple, et je crois beaucoup plus sage, de s’en tenir fermement à cette assertion : On ne meurt point de la petite vérole inoculée, quand elle est donnée avec prudence et dans les circonstances convenables ; c’est le moyen le plus sûr de répondre à la principale objection contre l’inoculation, la crainte d’y succomber