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SUR L’INOCULATION.

exactement quel est le rapport entre la partie du genre humain qui a la petite ve’role, et celle qui n’y est pas sujette. Les inoculateurs, en prétendant que ce rapport est de 24 à 1, pourraient bien l’avoir enflé considérablement ; sur 24 personnes parvenues à un âge mûr, il est très-ordinaire d’en trouver beaucoup qui n’ont pas eu la petite vérole, et qui vraisemblablement ne l’auront jamais. Dire que ces personnes ont peut-être eu sans le savoir la petite vérole dans leur enfance, qu’elles l’ont peut-être eue dans le sein de leur mère, ce sont de ces suppositions hasardées, auxquelles on peut en opposer de contraires, pour le moins aussi vraies. D’ailleurs, parmi ceux même qui croient avoir eu la petite vérole dans leur enfance, combien n’y en a-t-il pas qui se trompent, et qui n’ont eu qu’une éruption cutanée, que les parens et les nourrices ont prise pour cette maladie ? Cette erreur n’est que trop bien prouvée par tant de victimes qui succombent à la petite vérole, à laquelle elles n’ont pas craint de s’exposer, dans la persuasion qu’elles y avaient déjà payé le tribut. On ajoute que de 14 personnes qui naissent, il en meurt une de la petite vérole ; que de ces 14, il en meurt la moitié avant de l’avoir eue, et que par conséquent des 7 survivans il en meurt un de la petite vérole ; que, de plus, sur 7 personnes attaquées de la petite vérole il en meurt une ; d’où il s’ensuivrait évidemment que tous les hommes, ou du moins presque tous, doivent infailliblement avoir la petite vérole, s’ils ne sont pas enlevés par une mort prématurée. Mais ces suppositions, qu’il meurt de la petite vérole 1/14 du genre humain, et y de ceux qui en sont attaqués, ne sont peut-être légitimes que pour la seule ville de Londres, sur laquelle ces calculs ont été faits ; nous avons vu que la petite vérole est beaucoup moins mortelle ailleurs ; nous avons vu même que des médecins, partisans de l’inoculation, prétendent qu’on a fort grossi le danger de la petite vérole dans les grandes villes, au moins en France, Il faudrait d’ailleurs supposer que le calcul précédent, fait pour Londres même, est également rigoureux dans toutes ses parties, ce qu’il n’est pas. En effet supposons, comme on l’a prétendu depuis quelque temps, d’après les calculs de M. Jurin, que la petite vérole naturelle emporte à Londres, non pas un septième seulement, mais un sixième de ceux qui en sont attaqués, et ne changeons rien d’ailleurs aux autres suppositions, fondées aussi, à ce qu’on prétend, sur les calculs du même M. Jurin ; savoir qu’il meurt de la petite vérole la quatorzième. partie de l’espèce humaine ; et que de 14 personnes il en meurt 7 avant que d’avoir eu cette maladie ; il s’ensuivrait de là que des 7 survivans, 6 seulement en seraient attaqués, et que par