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SUR L’INOCULATION.

déjà cité paraît l’avoir cru, que si l’inoculation ne faisait périr qu’une victime sur dix, elle serait encore avantageuse, par cette seule raison, qu’elle augmenterait de quelques jours la vie moyenne. Je sais que dans ce cas l’inoculation pourrait être de quelque utilité à l’État, parce qu’il en résulterait la conservation d’un nombre de citoyens un peu plus grand, que si on les abandonnait à la nature ; mais elle serait si peu avantageuse aux particuliers, ou pour mieux dire, elle serait d’un si grand risque pour eux, que je doute qu’il y en eût un seul qui voulut s’y exposer ; or n’est-ce pas une espèce de chimère politique, qu’une opération prétendue avantageuse pour l’État, lorsqu’on ne saurait déterminer aucun citoyen à l’adopter ?

Il faut donc, pour fixer avec précision par le calcul les avantages de l’inoculation, examiner s’il ne serait pas possible de les apprécier d’une autre manière. En voici une qui paraît plus simple et plus sensible que les précédentes. Nous allons la proposer avec toute la clarté dont nous serons capables, et nous examinerons ensuite les doutes ou les scrupules qu’elle peut encore laisser.

SECONDE PARTIE.

Manière nouvelle et plus convaincante de calculer les avantages de l’inoculation, dans l’hypothèse que l’inoculation puisse causer la mort j et doutes qu’on peut encore avoir sur le résultat de cette nouvelle méthode.

§ I. Principes et suppositions qui peuvent servir de fondement au nouveau calcul.

Je supposerai d’abord, comme je l’ai fait jusqu’ici d’après les inoculateurs, 1o. que l’inoculation préserve de la petite vérole naturelle ; 2o. qu’elle augmente en effet la vie moyenne des hommes. Je reviendrai dans la suite sur chacune de ces deux suppositions ; admettons-les d’abord pour vraies, afin de ne pas embrasser à la fois un trop grand nombre de questions.

Selon les observations faites en Angleterre, la petite vérole emporte, année commune, un quatorzième de ceux qui meurent. Il meurt à Paris environ 20000 personnes par an ; la quatorzième partie de ce nombre, qui est environ 1400, exprimera donc ce qu’il meurt de personnes à Paris de la petite vérole chaque année ; supposons 700000 habitans dans Paris, il y a donc une personne sur 500, qui meurt de la petite vérole par an, et par conséquent une sur 6000 par mois.