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SUR L’INOCULATION.

Ce résultat, quelque peu considérable qu’il paraisse, ne doit point surprendre, parce que le risque de la petite vérole n’étant qu’une assez petite partie de tous ceux auxquels la vie est d’ailleurs exposée, l’effet de ce risque, pour diminuer la vie moyenne, ne doit pas être très-considérable.

Je ne sais où l’on a pris ce qui a été avancé depuis peu, que, selon le calcul de Bernoulli, l’avantage de se faire inoculer est à celui d’attendre la petite vérole, environ comme 19 à 1. On ne trouve rien de pareil dans l’écrit de ce grand géomètre sur l’inoculation ; il me paraît même impossible que la manière dont il a envisagé la question conduise à cette conséquence ni à rien d’approchant. Je vois seulement que, selon lui, la vie moyenne des enfans nouveau-nés, qui dans l’état naturel serait de 26 ans 7 mois, serait augmentée d’environ un neuvième dans l’hypothèse qu’on inoculât tous ces enfans au moment de leur naissance, et qu’il en mourût 1 sur 200. Or cette augmentation d’un neuvième dans la vie moyenne est bien différente du prétendu avantage d’environ 19 à 1, qu’on dit résulter de la méthode de Bernoulli.

§ V. Insuffisance du calcul de Bernoulli.

Quoi qu’il en soit du résultat de cette théorie, elle mérite sans doute beaucoup d’éloges par l’habileté et la finesse avec laquelle l’auteur l’a développée ; mais elle laisse, ce me semble, beaucoup à désirer encore.

En premier lieu, la supposition que fait l’illustre mathématicien sur le nombre de personnes de chaque âge qui prennent la petite vérole, et sur le nombre de ceux qui en meurent, paraît absolument gratuite. Il est très-douteux, pour ne rien dire de plus, que la petite vérole attaque constamment, à quelque âge que ce soit, la huitième partie de ceux qui n’ont pas eu cette maladie, et il est plus douteux encore qu’elle fasse périr constamment, à quelque âge que ce soit, la huitième partie de ceux qu’elle attaque. Plusieurs médecins prétendent que dans les dix premières années de la vie, on est dix fois plus sujet à la petite vérole que dans les autres ; et selon les inoculateurs, presque tous les enfans qui meurent avant l’âge de 4 ans, ce qui fait la moitié des enfans qui naissent, meurent d’autres maladies que de la petite vérole. Suivant ces hypothèses, le plus grand danger d’avoir la petite vérole, serait depuis 3 ou 4 ans jusqu’à 10 ; et le danger de mourir de cette maladie ne commencerait guère qu’à 4 ans, et non pas dès l’âge d’un an, comme Bernoulli le suppose.

Croit-on, d’ailleurs, que le danger de mourir de la petite