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RÉFLEXIONS

draient la petite vérole, exprimera, selon Bernoulli, l’avantage que procure l’inoculation.

Pour calculer cet avantage avec toute la précision dont il est susceptible, eu égard au peu de faits que nous avons sur ce sujet, Bernoulli parcourt tous les âges depuis 1 an jusqu’à 24, et détermine ainsi pour chacun de ces âges le gain qui résulte de l’inoculation. Il suppose d’abord que parmi tous ceux qui n’ont pas eu la petite vérole et qui sont du même âge, depuis 1 an jusqu’à 24, cette maladie en attaque constamment un huitième chaque année, et qu’il périt aussi un huitième de ceux qui en sont attaqués ; d’après cette hypothèse, il détermine par uu calcul très-ingénieux la vie moyenne de ceux qui n’ont pas encore eu la petite vérole naturelle ; il suppose ensuite que l’inoculation enlève une victime sur 200, et il en déduit la vie moyenne dans l’hypothèse de l’inoculation ; comparant enfin les résultats que les deux hypothèses fournissent, il détermine pour chaque âge le temps qu’on peut espérer de vivre plus, en se faisant inoculer, qu’en attendant la petite vérole. Ce temps, par le calcul de Bernoulli, est d’un assez petit nombre d’années ; par exemple, il trouve que la vie moyenne des personnes âgées de 5 ans est environ 41 ans et 3 mois ; que la vie moyenne de celles qui n’ont pas eu la petite vérole à cet âge est 39 ans 4 mois ; qu’elle est de 43 ans 10 mois pour celles qui ont eu cette maladie, et de 43 ans 9 mois pour celles qui se font inoculer à ce même âge. Ainsi l’avantage que procure, selon Bernoulli, l’inoculation faite à 5 ans, est d’environ 4 ans et demi dont la vie moyenne est augmentée, ou plus exactement de 4 ans et 5 mois ajoutés aux 39 ans 4 mois, à quoi la vie moyenne aurait été bornée, si, n’ayant point eu la petite vérole à cet âge, on s’abandonnait à la nature. Selon ce même grand géomètre, le gain dans les autres âges est à peu près proportionnel à la vie moyenne. Or, suivant les tables connues, la vie moyenne à l’âge de 30 ans est d’environ 26 ans 6 mois, en joignant ensemble ceux qui ont eu la petite vérole, et ceux qui ne l’ont pas eue ; donc, puisqu’à 5 ans la vie moyenne est de 41 ans et 3 mois pour le total de ceux qui arrivent à cet âge, de 39 ans 4 mois pour ceux qui n’ont point encore eu la petite vérole, et de 43 ans 9 mois pour ceux qui se font inoculer, on trouvera par une simple règle de trois, d’un côté environ 24 ans 4 mois pour la vie moyenne de ceux qui à 30 ans n’ont pas eu la petite vérole et l’attendent, et de l’autre environ 27 ans pour la vie moyenne de ceux qui se font inoculer. Ainsi l’avantage de l’inoculation faite à l’âge de 30 ans ne serait, suivant les calculs et les hypothèses de Bernoulli, que d’environ 2 ans et 8 mois ajoutés à 2 ans et 4 mois.