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SUR L’INOCULATION.

il faudra, pour évaluer le risque total d’avoir la petite vérole et d’eu mourir, prendre la somme d’une suite de fractions, dont chacune représentera le désavantage de mourir de cette maladie chaque année, à compter depuis 30 ans ; chacune de ces fractions sera le produit de trois nombres, dont un seul est à peu près connu par les tables, des deux autres le premier l’est très-peu, ou point du tout, et le second inappréciable avec quelque précision. S’il est quelqu’un à qui la solution de ce problème soit réservée, ce ne sera sûrement pas à ceux qui la croiront facile. On ne saurait donc espérer de comparer par ce moyen, avec quelque exactitude, les avantages de l’inoculation au risque de mourir un jour de la petite vérole ; puisque ce dernier risque ne peut être évalué que d’une manière fort vague et fort incertaine.

§ IV. Calcul de Daniel Bernoulli pour déterminer les avantages de l’inoculation.

Aussï un très-grand géomètre, Daniel Bernoulli, qui nous a donné sur l’inoculation un savant mémoire mathématique, a bien senti que la question devait être envisagée d’une autre manière pour être susceptible d’une solution plus satisfaisante et plus précise. Voici le point de vue sous lequel il l’a traitée.

Supposons mille personnes, toutes du même âge, et vivantes à la fois ; ces personnes vivront, les unes plus, les autres moins, et la somme de leurs vies fera un certain nombre d’années ; ce nombre d’années divisé en raille portions égales, exprimera ce que chacun a vécu l’un portant l’autre ; par conséquent ce même nombre exprimera aussi ce que chacun d’eux, l’un portant l’autre, peut espérer de vivre, et c’est ce qu’on appelle leur vie moyenne. Or dans ce nombre de mille personnes, il y en a qui n’ont point eu la petite vérole, il y en a qui l’ont eue ; les premiers ayant une cause de mort de » plus, doivent aussi à proportion vivre mioins que les autres, étant pris en total. Donc si on prend séparément la vie moyenne de chacune de ces deux classes, celle de la première sera moindre que celle de la seconde ; et la vie moyenne du total tiendra un milieu entre ces deux vies moyennes.

Présentement, qu’on inocule toutes celles de ces mille personnes qui n’ont point eu la petite vérole, et supposons qu’il en périsse très-peu par l’inoculation, et que de plus l’inoculation préserve de la petite vérole naturelle ; il est évident qu’en ce cas la vie moyenne des inoculés deviendra plus grande que s’ils avaient attendu la petite vérole, puisque voilà une cause de mort, ou détruite, ou extrêmement affaiblie. Or cet excès de la vie moyenne des inoculés sur la vie moyenne de ceux qui atten-