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RÉFLEXIONS

court à chaque âge de mourir de la pelite vérole naturelle dans le courant d’un mois ; mais quand on pourrait apprécier exactement ce danger pour chaque mois pris séparément, comment apprécier ensuite le risque total, résultant de la somme de ces risques particuliers ? Car il faut bien remarquer que ces risques s’affaiblissent en s’éloignant, non-seulement par la distance vague oii on les voit, distance qui tout à la fois les rend incertains et en adoucit la vue, mais par l’espace de temps qui doit les précéder, et durant lequel on doit jouir de l’avantage de vivre. Il faudrait pouvoir déterminer suivant quel rapport un risque de cette espèce diminue, quand on l’envisage dans le lointain, et fuyant, pour ainsi dire, devant nous ; il faudrait avoir égard à mille autres considérations particulières qui peuvent rendre ce risque plus ou moins effrayant, et par conséquent mettre plus ou moins dans la nécessité d’avoir recours à l’inoculation. En un mot, il suffit, ce me semble, de penser à toutes les conditions dont cette question est compliquée, pour désespérer de la bien résoudre : peut-être ne sera-t-il pas inutile d’entrer sur cela dans un plus grand détail.

§ III. Où l’on développe la difficulté du calcul dans ses principaux points.

Des mathématiciens novices ne seront peut-être pas aussi frappés qu’ils le devraient être de la difficulté de ce problème ; ils croiront pouvoir évaluer, au moins à peu près, la somme des risques dont il s’agit, par des calculs fondés sur des suppositions vagues et purement gratuites. Sans entreprendre de réfuter des raisonnemens de cette espèce, nous tâcherons d’exposer avec la précision convenable le véritable état de la question[1].

Nous supposerons qu’on soit parvenu à l’âge qu’on voudra sans avoir eu la petite vérole : pour fixer les idées, nous prendrons l’âge de trente ans ; le raisonnement sera le même pour tout autre âge.

Pour calculer le risque qu’on court à cet âge d’avoir un jour la petite vérole et d’en mourir, il faut 1o. parcourir tout le temps qu’on peut vivre, depuis l’âge de trente ans jusqu’au plus long terme de la vie, c’est-à-dire jusqu’à eiwiron cent ans, et connaître le danger qu’on court d’être attaqué de la petite vérole à chaque partie de ce temps, supposé qu’on y arrive, et de succomber à cette maladie. Sur cet article on n’a jusqu’à pré-

  1. Quoique les raisonnemens exposes dans ce paragraphe paraissent faciles h suivre avec un peu d’attention, on peut les passer si on veut, et aller tout de suite au § IV.