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SUR L’INOCULATION.

naturelle emporte par mois, année commune, moins que la trois-centième jjartie de ceux qui ne l’ont pas encore eue[1] ; en ce cas, le nombre des victimes que la petite vérole naturelle fait périr en un mois, sera moindre que le nombre de celles qui seraient sacrifiées à l’inoculation ; on court donc vraisemblablement beaucoup moins de risque de mourir en un mois de la petite vérole naturelle qu’on attend, que de la petite vérole qu’on se donne : or ne peut-on pas faire à chaque mois un raisonnement semblable ? Donc dans tout le cours de la vie on ne pourra parvenir à aucun mois où l’inoculation soit réellement moins à craindre que la petite vérole naturelle ; par conséquent on sera toujours plus sage d’attendre la petite vérole que de se la donner. »

Cet argument, qui n’a point encore été proposé, que je sache, d’une manière aussi frappante, a quelque chose de spécieux. Cependant si le calcul des inoculateurs est défectueux en ce qu’on y compare deux risques dont la durée est différente, celui des adversaires de l’inoculation pèche aussi par le même côté, quoiqu’à la vérité envisagé sous une autre face. Celui qui se fait inoculer, court, si l’on veut, plus de risque de mourir de la petite vérole dans le mois, que s’il attendait cette maladie ; mais le mois étant passé, le risque une fois couru s’éteint, et l’inoculé en est délivré, du moins si l’on en croit les partisans de l’inoculation ; celui au contraire qui attend la petite vérole, court, si l’on veut, pour chaque mois un moindre risque que l’inoculé ; mais le mois fini, le risque se renouvelle, et peut même devenir de jour en jour plus grand, au moins jusqu’à un certain âge.

§ II. Difficulté de calculer d’une manière précise le danger de succomber à la petite vérole naturelle, et de comparer ce danger aux avantages de l’inoculation.

Pour savoir donc ce qu’on gagne et ce’qu’on risque à se faire inoculer, il ne suffit pas d’avoir égard au danger que l’on court en un mois de mourir de la petite vérole naturelle, il faut ajouter à ce danger celui que l’on court de mourir de la même maladie dans les mois suivans, jusqu’à la fin de la vie.

C’est ici que la difficulté du calcul commence à se faire sentir. Non-seulement on n’a point encore d’observations suffisantes pour constater au juste, ni même à peu près, quel est le risque qu’on

  1. Suivant les hypothèses de Daniel Beinoulli, dont nous parlerons plus loin, la petite vérole naturelle emporte par an 1/64 de ceux qui ne l’ont pas encore eue ; ce qui ne fait par mois que 1/768, c’est-à-dire beaucoup moins que 1/500.