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RÉFLEXIONS

PREMIÈRE PARTIE.
Examen des calculs par lesquels on a prouve jusqu’ici les avantages de l’inoculation, dans l’hypothèse que cette opération puisse faire perdre la vie.

§ I. Calcul des partisans de l’inoculation ; objection contre ce calcul, et examen de cette objection.

On n’inocule guère avant l’âge de quatre ans ; depuis cet âge jusqu’au terme ordinaire de la vie, la petite vérole naturelle détruit, selon les inocuîateurs, entre la septième et la huitième partie du genre humain : au contraire, selon eux, l’inoculation enlève à peine une victime sur 300. Je ne prétends point leur contester ces faits, et je ne m’arrête qu’à la conséquence qu’ils en tirent : donc, disent-ils, le risque de mourir de la petite vérole naturelle est à celui de mourir de la petite vérole inoculée, environ comme 300 à 7 1/2, c’est-à-dire quarante fois plus grand.

Cette conséquence, ainsi présentée, peut être attaquée avec justice par les adversaires de l’inoculation. « Car en supposant, diront-ils, que le nombre de ceux qui périssent de la petite vérole soit quarante fois aussi grand que le nombre de ceux qui meurent de l’inoculation, s’ensuit-il que les deux risques soient entre eux dans le même rapport ? La nature de l’un et de l’autre est bien différente ; quelque petit qu’on veuille supposer le risque de mourir de l’inoculation, celui qui se fait inoculer se soumet à courir ce risque dans le court espace de quinze jours, dans celui d’un mois tout au plus : au contraire, le risque de mourir de la petite vérole naturelle se répand sur tout le temps de la vie, et en devient d’autant plus petit pour chaque année et pour chaque mois. Si l’on veut faire un parallèle exact des deux risques, il faut que les temps soient égaux ; il faut comparer le risque de mourir de l’inoculation, non pas vaguement et en général, au risque de mourir de la petite vérole naturelle dans tout le cours de la vie, mais au danger qu’on court de mourir de cette maladie pendant le même temps où l’on s’expose à mourir de l’inoculation, c’est-à-dire dans l’espace de quinze jours ou d’un mois. »

Il faut avouer que si on admettait cette manière de comparer les deux risques, elle donnerait beaucoup d’avantage aux adversaires de l’inoculation. « En effet, diront-ils encore, supposons, ce qu’il est très-naturel de croire, que la petite vérole