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RÉFLEXIONS
SUR L’INOCULATION[1].

On a tant imprimé d’ouvrages depuis quelques années, pour et contre l’inoculation, que l’on doit être aujourd’hui plus que suffisamment instruit sur ce sujet, et par conséquent fatigué d’avance de tout ce qu’on pourrait ajouter encore pour éclaircir ou pour embrouiller la question. J’ai donc tout lieu de craindre que cet écrit n’ennuie déjà mes lecteurs par son seul titre ; je tâcherai seulement de les ennuyer le moins qu’il me sera possible ; et pour leur tenir parole, j’entre prômptement en matière.

Je me propose ici trois objets ; 1o. j’examinerai successivement les différentes manières dont on a calculé jusqu’ici les avantages de l’inoculation, et j’essaierai de prouver que dans ces divers calculs, on n’a point, ce me semble, envisagé la question sous son véritable point de vue.

2o. Je montrerai même que les avantages de cette opération, sous quelque aspect qu’on veuille les présenter, sont très-difficiles à apprécier d’une manière satisfaisante, si l’on confient que cette opération peut causer la mort,

3o. Je tâcherai de faire voir ensuite que l’inoculation peut être soutenue par d’autres raisons, qui non-seulement doivent empêcher de la proscrire, mais qui paraissent même propres à l’autoriser.

  1. Ces réflexions pourraient bien ne pas contenter tout le monde. Les considérations d’après lesquelles je crois qu’on peut se déterminer en leur faveur ne paraîtront peut-être pas concluantes à plusieurs même de ses partisans : je suis d’autant plus porté à le croire, qu’ils ne feront en cela qu’user de représailles ; car je n’ai point dissimulé, et j’ai tâche même de faire voir démonstrativement l’insufiisance des principales raisons dont la plupart des inoculateurs ou inoculistes se sont appuyés jusqu’ici. Je n’en dirai pas davantage sur ce sujet : si l’inoculation, comme je le crois, est véritablement utile, il importe à ses progrès que sa cause ne soit pas mal défendue ; c’est au public à juger si j’ai été plus heureux que les autres.