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SUR LE CALCUL

comme un effet du hasard, pourquoi cherche-t-îl une cause à l’arrangement des planètes, qui est précisément dans le même cas ? Et s’il cherche une cause à ce coup de dé, comme il le doit faire pour être conséquent, pourquoi ne chercherait-il pas une cause à toute autre combinaison particulière, où le dé à dix-sept faces, jeté cinq fois de suite, produirait des nombres différens, sans ordre et sans suite, par exemple 3 au premier coup, 7 au second, 1 au troisième, etc. ? Cependant il y aurait autant à parier que cette combinaison n’arriverait pas, qu’il y aurait à parier que sonnez n’arriverait pas cinq fois de suite dans un dé à dix-sept faces. Donc Bernoulli regarderait tacitement cette dernière combinaison de sonnez cinq fois de suite, comme étant moins possible que l’autre. Il supposerait donc qu’il n’est pas dans la nature que le même effet arrive dix-sept fois de suite, surtout lorsque la combinaison totale des effets montre que le nombre des cas possibles est égal à 17 multiplié quatre fois de suite par lui-même ?

Allons plus loin, toujours d’après les calculs de Bernoulli. Si les planètes étaient toutes dans le même plan, et qu’on appliquât à ce cas-là les raisonnemens de l’auteur, on trouverait qu’il y a l’infini à parier contre un, que cet arrangement ne devrait pas arriver, et on conclurait avec lui qu’il y a l’infini à parier que cet arrangement est produit par une cause particulière et non fortuite ; c’est-à-dire, qu’il est impossible que cet arrangement soit l’effet du hasard ; car parier l’infini qu’une chose n’est pas, c’est assurer qu’elle est impossible. Cependant tout autre arrangement particulier et arbitraire qu’on voudra imaginer (par exemple Mercure à 20 degrés d’inclinaison, Vénus à 15, Mars à 52, Jupiter à 40, Saturne à 83) est unique, comme celui de l’arrangement des planètes dans le même plan ; il y a de même l’infini contre un à parier que ce cas n’arrivera pas ; pourquoi donc Bernoulli cherche-t-il une cause dans le premier cas, lorsqu’il n’en chercherait point dans le second, si ce n’est par la raison que nous avons dite ?

Ce qu’il y a de singulier, c’est que ce grand géomètre dont je parle, a trouvé ridicules, du moins à ce qu’on m’assure, mes raisonnemens sur le calcul des probabilités. Pour toute réponse, je le prie seulement de s’accorder avec lui-même, et de nous faire entendre bien clairement pourquoi il ne chercherait pas une cause à certaines combinaisons, tandis qu’il en cherche à d’autres, qui, mathématiquement parlant, sont également possibles ?

J’ajouterai encore une réflexion qui me paraît à l’avantage de la thèse que je soutiens : c’est qu’il était peut-être plus possible, physiquement parlant, que les planètes se trouvassent