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DES VENTS.

nouvelle condition ajoute au problème une difficulté très-considérable : car s’il est permis de négliger l’attraction mutuelle des parties de l’atmosphère, à cause de leur peu de densité, il faut nécessairement avoir égard à celles que les particules fluides de l’Océan exercent les unes sur les autres, et sur la masse d’air qui les couvre. D’ailleurs, les eaux de la mer sont agitées par le soleil en même temps que les parties de l’air ; et cette circonstance doit rendre les vents autres qu’ils ne seraient sur une surface solide et inébranlable. Car il est facile de concevoir que la vitesse d’un fluide dont le lit change continuellement de pente, doit être fort différente de celle que ce même fluide aurait s’il coulait sur un fond stable et immobile. Aussi la seule profondeur des eaux peut-elle changer dans certains cas la direction naturelle du vent, et transformer, par exemple, le vent général d’est en un vent d’ouest, comme il arrive en quelques parages sous la zone torride même.

Néanmoins, en imaginant que le globe terrestre fût entièrement inondé par l’Océan, j’ai cru devoir donner aux eaux une hauteur assez peu considérable par rapport au rayon de la terre. Car la masse du gloire terrestre, dans l’état où il est maintenant, est principalement composée de parties solides ; or ces parties résistent à l’action du soleil par leur solidité même qui les empêche de changer de place les unes par rapport aux autres ; et il est évident que dans le cas oii la terre deviendrait entièrement fluide, le mouvement des eaux et de l’atmosphère serait bien différent de ce qu’il est en effet. C’est pourquoi, si on imagine le globe terrestre entièrement couvert d’eau, il faut au moins le rapprocher le plus qu’il est possible de son état actuel, et supposer par conséquent la profondeur de la mer assez petite par rapport au rayon de la terre, quoique toujours très-considérable par rapport à celle des plus grands fleuves.

Je ne dois pas omettre ici une observation essentielle. Il peut y avoir des cas oii le fluide s’abaisse sous l’astre qui l’attire, au lieu de s’élever ; on rendra aisément raison de ce paradoxe, si on considère que le fluide, étant une fois mis en mouvement, s’élève, non-seulement par l’action de l’astre, mais encore par la force d’inertie et par l’action mutuelle de ses parties. Or la combinaison de ces forces peut être telle, que le fluide, au lieu de s’élever sous l’astre même, s’élève à 90 degrés delà, et par conséquent s’abaisse au-dessous de l’astre.

À cette observation j’en joindrai une seconde qui n’est pas moins importante. Si la terre était entièrement inondée par les eaux de l’Océan, ces eaux pourraient aussi bien que l’air, former sous l’équateur un courant perpétuel, et ce courant serait vers