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SUR LE MOUVEMENT

Une chose néanmoins a toujours embarrassé les Cartésiens, c’est qu’il résulte de leur théorie même, que les milieux qui résistent le moins à la lumière, sont ceux où elle s’approche de la perpendiculaire, et qu’ainsi il faut supposer qu’elle trouve plus de résistance dans l’air que dans l’eau. Quelque révoltante que puisse paraître cette supposition, et les conséquences qu’elle entraîne après elle, les Cartésiens s’y sont toujours tenus retranchés comme dans un asile où il était difficile de les forcer : car la nature des corpuscules lumineux nous étant entièrement inconnue, il n’est pas aisé de démontrer que l’eau leur résiste plus que l’air. J’ai donc cru devoir tourner mes vues d’un autre côté, en m’appliquant à examiner à fond les lois de la réfraction des corps solides, non par des principes incertains et par des raisonnemens hasardés, mais par une méthode exacte et des calculs précis. Les propositions où ma méthode m’a conduit, sont pour la plupart si paradoxes, si singulières et si éloignées de tout ce qu’on avait cru jusqu’ici, qu’on sentira aisément combien cette matière était nouvelle, quoique maniée par tant d’auteurs différens. Il résulte de mes démonstrations qu’aucune des lois qu’on observe dans la réfraction de la lumière, ne doit avoir lieu dans celle des corps solides, et qu’ainsi c’est mal à propos qu’on a fait dépendre l’une et l’autre réfraction des mêmes principes.

Pour donner à ma théorie un nouveau degré de force, il m’a paru nécessaire d’examiner les principes généraux sur lesquels la plupart des physiciens ont cru devoir appuyer les lois de la réfraction des corps solides. J’ai choisi la théorie de Mairan, qui est, à proprement parler, une extension de celle de Descartes. L’intérêt de la vérité, ou du moins de ce qui m’a paru l’être, m’a obligé d’exposer fort au long les raisons que j’ai eues pour établir sur la réfraction des propositions contraires à celles de cet illustre académicien : j’espère qu’il ne me désapprouvera pas d’être entré là-dessus dans un assez grand détail, s’il peut en résulter de sa part ou de la mienne quelques lumières sur cet objet important de la physique.

Le mouvement des corps de figure quelconque dans des milieux de densité uniforme ou variable, est une branche de la réfraction. Je me suis étendu d’autant plus volontiers sur cette matière, qu’il m’a paru qu’elle fournissait un vaste champ à la géométrie. Dans le chapitre où je l’ai traitée, on trouvera entre autres choses la méthode pour construire dans plusieurs cas inconnus jusqu’ici, les trajectoires dans les milieux résistans, et des observations nouvelles sur la réfraction des corps dans des milieux d’une densité non uniforme, sur le choc des fluides contre