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SUR LES LOIS

tenir de cette manière de raisonner, parce qu’il nous a paru qu’elle porterait sur un principe trop vague ; la nature de l’Être suprême nous est trop cachée pour que nous puissions connaître directement ce qui est ou n’est pas conforme aux vues de sa sagesse ; nous pouvons seulement entrevoir les effets de cette sagesse dans l’observation des lois de la nature, lorsque le raisonnement mathématique nous aura fait voir la simplicité de ces lois, et que l’expérience nous en aura montré les applications et l’étendue.

Cette réflexion peut servir, ce me semble, à nous faire apprécier les démonstrations que plusieurs philosophes ont données des lois du mouvement d’après le principe des causes finales, c’est-à-dire d’après les vues que l’auteur de la nature a dû se proposer en établissant ces lois. De pareilles démonstrations ne peuvent avoir de force qu’autant qu’elles sont précédées et appuyées par des démonstrations directes et tirées de principes qui soient plus à notre portée ; autrement il arriverait souvent qu’elles nous induiraient en erreur. C’est pour avoir suivi cette route, pour avoir cru qu’il était de la sagesse du Créateur de conserver toujours la même quantité de mouvement dans l’univers, que Descartes s’est trompé sur les lois de la percussion. Ceux qui l’imiteraient, courraient risque ou de se tromper comme lui, ou de donner pour un principe général ce qui n’aurait lieu que dans certains cas, ou enfin de regarder comme une loi primitive de la nature, ce qui ne serait qu’une conséquence purement mathématique de quelques formules.

Après avoir donné au lecteur une idée générale de l’objet que je me suis proposé dans cet ouvrage, il ne me reste plus qu’un mot à dire sur la forme que j’ai cru devoir lui donner. J’ai tâché dans ma première partie de mettre, le plus qu’il m’a été possible, les principes de la mécanique à la portée des commençans ; je n’ai pu me dispenser d’employer le calcul différentiel dans la théorie des mouvemens variés ; c’est la nature du sujet qui m’y a contraint. Au reste, j’ai fait en sorte de renfermer dans cette première partie un assez grand nombre de choses dans un fort petit espace ; et si je ne suis point entré dans tout le détail que la matière pouvait comporter, c’est qu’uniquement attentif à l’exposition et au développement des principes essentiels de la mécanique, et ayant pour but de réduire cet ouvrage à ce qu’il peut contenir de nouveau en ce genre, je n’ai pas cru devoir le grossir d’une infinité de propositions particulières que l’on trouvera aisément ailleurs.