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DE L’ÉQUILIBRE.

peu à peu par quelque cause que ce puisse être, dans tous ces cas, l’effet produit par le corps est différent, mais le corps considéré en lui-même n’a rien de plus dans un cas que dans un autre ; seulement l’action de la cause qui produit l’effet, est différemment appliquée. Dans le premier cas, l’effet se réduit à une simple tendance qui n’a point proprement de mesure précise, puisqu’il n’en résulte aucun mouvement ; dans le second, l’effet est l’espace parcouru uniformément dans un temps donné, et cet effet est proportionnel à la vitesse ; dans le troisième, l’effet est l’espace parcouru jusqu’à l’extinction totale du mouvement, et cet effet est comme le carré de la vitesse. Or ces différens effets sont évidemment produits par une même cause ; donc ceux qui ont dit que la force était tantôt comme la vitesse, tantôt comme son carré, n’ont pu entendre parler que de l’effet, quand ils se sont exprimés de la sorte. Cette diversité d’effets provenant tous d’une même cause, peut servir, pour le dire en passant, à faire voir le peu de justesse et de précision de l’axiome prétendu, si souvent mis en usage, sur la proportionnalité des causes à leurs effets.

Enfin ceux même qui ne seraient pas en état de remonter jusqu’aux principes métaphysiques de la question des forces vives, verront aisément qu’elle n’est qu’une dispute de mots, s’ils considèrent que les deux partis sont d’ailleurs entièrement d’accord sur les principes fondamentaux de l’équilibre et du mouvement. Qu’on propose le même problème de mécanique à résoudre à deux géomètres, dont l’un soit adversaire et l’autre partisan des forces vives, leurs solutions, si elles sont bonnes, seront toujours parfaitement d’accord ; la question de la mesure des forces est donc entièrement inutile à la mécanique, et même sans aucun objet réel. Aussi n’aurait-elle pas sans doute enfanté tant de volumes, si on se fut attaché à distinguer ce qu’elle renfermait de clair et d’obscur. En s’y prenant ainsi, on n’aurait eu besoin que de quelques lignes pour décider la question ; mais il semble que la plupart de ceux qui ont traité cette matière, aient craint de la traiter en peu de mots.

La réduction que nous avons faite de toutes les lois de la mécanique à trois, celle de la force d’inertie, celle du mouvement composé et celle de l’équilibre, peut servir à résoudre le grand problème métaphysique, proposé depuis peu par une des plus célèbres académies de l’Europe, si les lois de la statique et de la mécanique sont de vérité nécessaire ou contingente ? Pour fixer nos idées sur cette question, il faut d’abord la réduire au seul sens raisonnable qu’elle puisse avoir. Il ne s’agit pas de décider si l’auteur de la nature aurait pu lui