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SUR LES LOIS

nécessairement communiquer du mouvement pour conserver au moins une partie du sien. De ces principes combinés on peut donc aisément déduire les lois du mouvement des corps qui se choquent d’une manière quelconque, ou qui se tirent par le moyen de quelque corps interposé entre eux, et auquel ils sont attachés.

Si les principes de la force d’inertie, du mouvement composé et de l’équilibre, sont essentiellement différens l’un de l’autre, conime on ne peut s’empêcher d’en convenir ; et si, d’un autre côté, ces trois principes suffisent à la mécanique, c’est avoir réduit cette science au plus petit nombre de principes possible, que d’avoir établi sur ces trois principes toutes les lois du mouvement des corps dans des circonstances quelconques, comme j’ai tâché de le faire dans ce traité.

À l’égard des démonstrations de ces principes en eux-mêmes, le plan que j’ai suivi pour leur donner toute la clarté et la simplicité dont elles m’ont paru susceptibles, a été de les déduire toujours de la considération seule du mouvement, envisagé de la manière la plus simple et la plus claire. Tout ce que nous voyons, bien distinctement dans le mouvement d’un corps, c’est qu’il parcourt un certain espace, et qu’il emploie un certain temps à le parcourir. C’est donc de cette seule idée qu’on doit tirer tous les principes de la mécanique, quand on veut les démontrer d’une manière nette et précise ; ainsi on ne sera point surpris qu’en conséquence de cette réflexion, j’aie, pour ainsi dire, détourné la vue de dessus les causes motrices, pour n’envisager uniquement que le mouvement qu’elles produisent ; que j’aie entièrement proscrit les forces inhérentes au corps en mouvement, êtres obscurs et métaphysiques, qui ne sont capables que de répandre les ténèbres sur une science claire par elle-même.

C’est par cette raison que j’ai cru ne devoir point entrer dans l’examen de la fameuse question des forces vives. Cette question qui depuis trente ans partage les géomètres, consiste à savoir si la force des corps en mouvement est proportionnelle au produit de la masse par la vitesse, ou au produit de la masse par le carré de la vitesse : par exemple, si un corps double d’un autre, et qui a trois fois autant de vitesse, a dix-huit fois autant de force, ou six fois autant seulement. Malgré les disputes que cette question a causées, l’inutilité parf^ute dont elle est pour la mécanique, m’a engagé à n’en faire aucune mention dans l’ouvrage que je donne aujourd’hui : je ne crois pas néanmoins devoir passer entièrement sous silence une opinion dont Leibnitz a cru pouvoir se faire honneur, comme d’une découverte, que le grand Bernoulli a depuis si savamment et si heureusement