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MÉMOIRE

D’Alembert est auteur d’un livre intitulé : De la destruction des jésuites en France, par un auteur désintéressé. Cet ouvrage, le seul qui ait été écrit avec impartialité sur cette affaire, produisit son effet naturel ; il mécontenta les deux partis. Il parut au commencement de 1765 ; et peu de temps après, la mort de M. Clairaut ayant laissé vacante dans l’Académie une pension à laquelle d’Alembert avait plus de droits qu’aucun autre de ses confrères, et par son ancienneté et par ses travaux, le ministre St.-Florentin refusa constamment, pendant six mois, de mettre d’Alembert en possession de cette pension, quoique l’Académie l’eût demandée pour lui dès le lendemain de la mort de M. Clairaut, et l’eût redemandée ensuite à différentes reprises. Le ministre céda enfin, grâce aux remontrances de cet illustre corps, au cri public, et on peut même ajouter à celui de tous les savans de l’Europe, qui, indignés de la manière dont leur confrère était traité, s’en expliquaient ouvertement. Le roi de Prusse fît en cette circonstance plus d’efforts que jamais pour attirer d’Alembert auprès de lui ; mais quelque forte que fût la tentation, il eut encore le courage de résister. Ce prince, loin d’être offensé d’un refus si constant et presque si opiniâtre, redoubla pour d’Alembert de bontés et d’intérêt, et l’aurait consolé par là, s’il avait eu besoin de l’être, de la manière dont on le traitait en France.

D’Alembert avait été mieux traité par le comte d’Argenson, prédécesseur de St.-Florentin dans le département des académies. C’est à ce ministre qu’il fut redevable de la pension de douze cents livres que le roi lui accorda en 1756 sur le trésor royal ; il lui en témoigna publiquement sa reconnaissance en 1758, en dédiant à ce ministre la seconde édition du Traité de dynamique, un an après sa retraite du ministère, et lorsqu’il n’y avait plus de grâces à en attendre. D’Alembert a toujours été plus jaloux de se montrer reconnaissant des bienfaits obtenus qu’empressé d’en obtenir ; il n’a dédié ses ouvrages qu’au roi de Prusse, son bienfaiteur, et à deux ministres disgraciés, dont le second était le marquis d’Argenson, frère du comte, et qui honorait aussi d’Alembert de ses bontés. D’Alembert a donné, en 1767, un supplément à son ouvrage sur la destruction des jésuites. Ce supplément consiste en deux lettres : dans la première, l’orateur rectifie quelques méprises


    mettre fin, quand vous le voudrez, à ces souhaits coupables qui blessent la délicatesse de mes sentimens. Je ne vous presse point ; je ne vous importunerai pas, et j’attendrai en silence le moment où l’ingratitude vous obligera de prendre pour patrie un pays où vous êtes déjà naturalisé dans l’esprit de ceux qui pensent, et qui ont assez de connaissance pour apprécier votre mérite.

    Frédéric