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SUR LES LOIS

lorsqu’il est question des effets produits par de telles causes, ces effets doivent toujours être donnés indépendamment de la connaissance de la cause, puisqu’ils ne peuvent en être déduits : c’est ainsi que, sans connaître la cause de la pesanteur, nous apprenons par l’expérience que les espaces décrits par un corps qui tombe, sont entre eux comme les carrés des temps. En général, dans les mouvemens variés dont les causes sont inconnues, il est évident que l’effet produit par la cause, soit dans un temps fini, soit dans un instant, doit toujours être donné par l’équation entre les temps et les espaces : cet effet une fois connu, et le principe de la force d’inertie supposé, on n’a plus besoin que de la géométrie seule et du calcul, pour découvrir les propriétés de ces sortes de mouvemens. Pourquoi donc aurions-nous recours à ce principe dont tout le monde fait usage aujourd’hui, que la force accélératrice ou retardatrice est proportionnelle à l’élément de la vitesse ? principe appuyé sur cet unique axiome vague et obscur, que l’effet est proportionnel à sa cause. Nous n’examinerons point si ce principe est de vérité nécessaire ; nous avouerons seulement que les preuves qu’on en a apportées jusqu’ici ne nous paraissent pas hors d’atteinte : nous ne l’adopterons pas non plus, avec quelques géomètres, comme de vérité purement contingente, ce qui ruinerait la certitude de la mécanique, et la réduirait à n’être plus qu’une science expérimentale : nous nous contenterons d’observer que vrai ou douteux, clair ou obscur, il est inutile à la mécanique, et que par conséquent il doit en être banni.

Nous n’avons fait mention jusqu’à présent que du changement produit dans la vitesse du mobile par les causes capables d’altérer son mouvement : et nous n’avons point encore cherché ce qui doit arriver, si la cause motrice tend à mouvoir le corps dans une direction différente de celle qu’il a déjà. Tout ce que nous apprend dans ce cas le principe de la force d’inertie, c’est que le mobile ne peut tendre qu’à décrire une ligne droite, et à la décrire uniformément : mais cela ne fait connaître ni sa vitesse ni sa direction. On est donc obligé d’avoir recours à un second principe, c’est celui qu’on appelle la composition des mouvemens, et par lequel on détermine le mouvement unique d’un corps qui tend à se mouvoir suivant différentes directions à la fois avec des vitesses données. On trouvera dans cet ouvrage une démonstration nouvelle de ce principe, dans laquelle je me suis proposé, et d’éviter toutes les difficultés auxquelles sont sujettes les démonstrations qu’on en donne communément, et en même temps de ne pas déduire d’un grand nombre de propositions