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DU MONDE.

vation actuelle de la vérité de la seconde supposition, et qu’il l’est encore bien davantage de constater celle de la première. Cependant il faut avouer que ces deux suppositions étant assez naturelles, la seule difficulté de s’en assurer rigoureusement n’est point une raison pour les rejeter, si d’ailleurs les observations n’y sont pas sensiblement contraires. La question se réduit donc à savoir si la mesure du degré faite récemment en Italie, est une preuve suffisante de la dissimilitude des méridiens. Cette dissimilitude une fois avouée, la terre ne serait plus un solide de révolution, et non-seulement il demeurerait très-incertain si la ligne du zénith passe par l’axe de la terre, et si elle est perpendiculaire à l’horizon, mais le contraire serait même beaucoup plus probable ; la ligne à-plomb ne serait plus perpendiculaire à la surface de la terre ni dans le plan du méridien et de l’axe terrestre, la détermination de la figure de la terre deviendrait sujette à trop d’erreurs, et par conséquent impossible. Cette question mérite donc un sérieux examen. Envisageons-la d’abord par le côté physique.

Si la terre avait été primitivement fluide et homogène, la gravitation mutuelle de ses parties, combinée avec la rotation autour de l’axe, lui eût certainement donné la forme d’un sphéroïde aplati dont tous les méridiens eussent été semblables. Si la terre eût été originairement formée de fluides de diflerentes densités, ces fluides cherchant à se mettre en équilibre entre eux, se seraient aussi disposés tous de la même manière dans chacun des plans qui auraient passé par l’axe de rotation du sphéroïde, et par conséquent les méridiens eussent encore été semblables. Mais est-il bien prouvé, dira-t-on, que la terre ait été originairement fluide ? et quand elle l’eut été, quand elle eïit pris la figure que cette liypothèse demandait, est-il bien certain qu’elle l’eût conservée ? Pour ne point dissimuler ni diminuer la force de cette objection, appuyons-la avant que d’en apprécier la valeur, par la réflexion suivante. La fluidité du sphéroïde demande une certaine régularité dans la disposition de ses parties, régularité que nous n’observons pas dans la terre que nous habitons ; la surface du sphéroïde fluide devrait être homogène, celle de la terre est composée de parties fluides et de parties solides, différentes par leur densité. Les bouleversemens évidens que la surface de notre globe a essuyés, et qui ne sont cachés qu’à ceux qui ne veulent pas les voir, le changement des terres en mers et des mers en terres, l’affaissement du globe en certains lieux, son exhaussement dans d’autres, tout cela n’a-t-il pas dû altérer considérablement la figure primitive ? Or cette figure primitive étant altérée, et la plus grande partie de la