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DU MONDE.

clent. Je fais voir d’abord qu’il reste encore très-douteux, malgré quelques observations alléguées pour établir le contraire, que l’action de la lune dérange sensiblement la terre dans son orbite. D’où il résulte que l’équation en longitude que j’ai tirée de l’action de la lune sur la terre, et que j’ai trouvée de 11″, pourrait bien être trop grande, puisqu’il serait difficile que cette équation eût entièrement échappé aux observateurs. Il en est de même, selon toute apparence, de l’équation de 13″ que j’ai trouvée pour la variation apparente du soleil en latitude, produite par l’action de la lune sur la terre ; mais l’erreur, s’il y en a, vient uniquement de l’incertitude des deux élémens principaux d’où dépend cette équation, savoir la masse de la lune et la parallaxe du soleil, et nullement, comme on l’a prétendu dans le Journal des Savans, de ce que j’ai négligé dans le calcul des forces essentielles : c’est ce que je démontre de nouveau plus en détail ; mais je remarque en même temps que par l’inexactitude nécessaire des observations, et la nature des circonstances dans lesquelles la variation de la latitude peut être observée, cette variation doit paraître en effet beaucoup plus petite que le calcul ne la donne. À ces recherches j’en ajoute quelques autres sur les dérangemens que peut produire dans le mouvement de la terre et dans celui de la lune, la figure non sphérique de ces deux planètes, et je démontre que ces dérangemens doivent être absolument insensibles.

Je viens présentement au second objet de mon ouvrage. Il paraîtra peut-être surprenant qu’après tout ce qui a été fait depuis vingt ans en France, et principalement dans l’Académie, sur la figure de la terre, après les théories subtiles et profondes qu’on en a données, après les savantes opérations entreprises pour la connaître, j’aie cru pouvoir encore m’en occuper. Les savans et les philosophes même sont presque fatigués de lire et d’écrire sur ce sujet ; n’ai-je point à craindre de les intéresser très-faiblement en y revenant de nouveau, surtout si mon but principal est de montrer qu’après tant de travaux immenses, honorables pour ceux qui les ont entrepris, et propres en apparence à épuiser la matière, elle est aujourd’hui plus embrouillée que jamais ? Heureusement l’espèce de lecteurs à qui cet ouvrage est destiné, s’intéresse sincèrement à tout ce qui contribue réellement au progrès des sciences, même en paraissant le suspendre ; c’est aussi uniquement à cette espèce de lecteurs que je vais parler. Je commence par quelques réflexions générales.

Le génie des philosophes, en cela peu différent de celui des autres hommes, les porte à ne chercher d’abord ni uniformité ni loi dans les phénomènes qu’ils observent ; commencent-ils à