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SUR LE SYSTÈME

peut-être plus loin du point d’où il est parti à celui où il est parvenu, que du point oii il en est resté à celui auquel nous pouvons maintenant atteindre.

C’est donc par le calcul analytique, employé avec toute l’attention possible, que j’ai recherché les inégalités du mouvement de la lune. Quand je parle de ces inégalités, j’entends ici seulement celles qui sont produites par l’action du soleil. Car il est facile de voir que l’action des planètes sur la terre et sur la lune n’étant pas la même, cette différence doit produire aussi quelque altération dans les mouvemens de notre satellite. Mais il y a beaucoup d’apparence que ces inégalités doivent échapper à l’observation. Car la plus grande inégalité que l’action du soleil produise dans le mouvement de la lune est à peu près d’un degré et demi ; or Jupiter, la plus grosse de toutes les planètes, a environ mille fois moins de masse que le soleil, et en est quatre fois plus loin que la lune ; donc, si on supposait en général les inégalités de la lune en raison des masses attirantes et des cubes des distances, on trouverait que Jupiter devrait la déranger soixante-quatre mille fois moins que le soleil ; d’oii résulteraient des variations tout-à-fait insensibles. J’avoue que le raisonnement que nous venons de faire sur le rapport des inégalités, n’est peut-être pas exact, et qu’un calcul rigoureux peut seul nous faire connaître ce rapport. Mais ce calcul étant très-composé et très-rebutant, on ne doit se résoudre à l’entreprendre qu’après s’être bien assuré que l’action seule du soleil ne suffit pas pour produire toutes les variétés sensibles du mouvement de la lune.

La question se réduit donc à déterminer l’orbite que la lune décrit en vertu de l’action que la terre et le soleil exercent sur elle ; et cette question, quoique déjà très-réduite dans cet énoncé, renferme encore assez de difficultés, pour qu’on ne soit pas tenté d’y en ajouter de nouvelles. C’est là le fameux problème que les géomètres ont appelé problème des trois corps, parce qu’il consiste à déterminer l’orbite d’un corps céleste attiré par deux autres.

La détermination de l’orbite de la lune autour de la terre dépend de trois élémens ; de la projection de cette orbite sur le plan de l’écliptique, qui donne pour chaque instant le lieu de la lune dans l’écliptique même ; de la position que doit avoir dans un instant quelconque la ligne des nœuds ; enfin de l’inclinaison de l’orbite dans ce même instant : connaissant ces trois élémens, on connaîtra évidemment le lieu de la lune dans le ciel. Il est vrai que la plupart des géomètres qui ont jusqu’ici traité des mouvemens de la lune, considèrent d’abord son orbite réelle, qu’ils regardent comme un plan mobile sur l’écliptique, et qu’en-