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DU MONDE.

le calcul, ferait écrouler l’édifice, et reléguerait la théorie newtonienne dans la classe de tant d’autres systèmes que l’imagination a enfantés, et que l’analyse a détruits.

On n’a point à craindre ici cet abus du calcul et de la géométrie, dans lequel les physiciens ne sont que trop souvent tombés pour défendre ou pour combattre des hypothèses, et dont nous avons nous-mêmes fait sentir les inconvéniens en plus d’une occasion. Les planètes étant supposées se mouvoir ou dans le vide, ou au moins dans un espace non résistant, et les forces par lesquelles elles agissent les unes sur les autres étant connues, c’est un problème purement mathématique que de déterminer les phénomènes qui en doivent naître ; on a donc ici le rare avantage de pouvoir juger irrévocablement de la validité du système newtonien, et cet avantage ne saurait être saisi avec trop d’empressement. Il serait à souhaiter que toutes les questions de la physique pussent être aussi incontestablement décidées.

Les inégalités de la lune dont Newton a donné le calcul, du moins dans un certain détail, sont en premier lieu celle qui est connue sous le nom de variation, qui a été découverte par Tycho, et qui monte à 35′ environ dans les octans, c’est-à-dire lorsque le lieu de la lune est à 45° de celui du soleil ou de la terre : en second lieu, le mouvement annuel et rétrograde des nœuds, c’est-à-dire des points où l’orbite de la lune coupe l’écliptique ; ce mouvement est d’environ 19″ par an : en troisième lieu, la principale équation ou inégalité du mouvement des nœuds qui monte à 1° 30′ ; et enfin la variation de l’inclinaison de l’orbite lunaire au plan de l’écliptique, variation qui est d’environ 8 à 9 minutes, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Dans ces calculs, qui d’ailleurs sont faits avec beaucoup de clarté et de précision, Newton suppose que l’orbite de la lune est à peu près une ellipse, dont il néglige même l’excentricité. Or il n’y a personne tant soit peu au fait de ces matières, qui ne sente que cette supposition aurait besoin d’être démontrée. Il est vrai que si on néglige plusieurs circonstances du mouvement de la lune, on trouve qu’en ayant même égard à l’action du soleil sur elle, elle décrit autour de la terre à peu près une ellipse[1] dont le grand axe est mobile. Mais toute cette figure elliptique s’évanouit, si on a égard aux circonstances négligées, circonstances très-importantes en elles-mêmes pour l’exactitude de la solution, et dont les principales sont les inégalités du mouvement de l’apogée et les variations de l’excentricité.

À l’égard des autres équations de la lune, il en est quelques unes que Newton dit avoir calculées par la théorie de la gravita-

  1. Voyez les Mémoires de l’Académie, 1743, p. 17.