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SUR LE SYSTÈME

Cela posé, au lieu de la force simple par laquelle le soleil attire la lune, on peut par le principe de la décomposition des forces en substituer deux autres ; l’une sera égale et parallèle à l’action du soleil sur la terre, et par conséquent ne produira aucun dérangement dans l’orbite de la lune autour de la terre ; et l’autre sera celle par laquelle le mouvement de la lune est altéré.

Mais si on est d’abord naturellement porté à regarder cette dernière force comme la cause des irrégularités de la lune, on ne peut aussi en être pleinement convaincu qu’après avoir calculé les effets qu’elle doit produire, et après s’être assuré qu’ils répondent aux jjhénomènes ; autrement l’hypothèse newtonienne n’aurait aucun avantage sur l’hypothèse des tourbillons, par laquelle on explique à la vérité bien des circonstances du mouvement des planètes, mais d’une manière si incomplète, et pour ainsi dire si lâche, que si les phénomènes étaient tout autres qu’ils ne sont, on les expliquerait toujours de même, très-souvent aussi bien, et quelquefois mieux.

Newton ne s’est donc pas contenté de donner, dans le premier livre de son ouvrage, une explication des principales inégalités de la lune, suffisante à ceux qui en matière d’explications physiques se bornent à une espèce de coup d’œil général, et qui, s’imaginant être instruits sans qu’il leur en coûte, croient satisfaire en même temps la paresse et le désir de savoir. Comme ce grand homme écrivait pour l’avancement réel des sciences, il a jugé nécessaire d’entrer dans une discussion j)lus sévère, en déterminant la quantité précise des effets que la gravitation de la lune vers le soleil doit produire. C’est l’objet d’une partie du troisième livre de ses Principes. Il y calcule plusieurs des inégalités de la lune, et les trouve conformes aux observations.

Rien ne paraît plus propre que ces calculs à assurer au système de Newton toute l’autorité que lui ont donnée tant de sectateurs. Cependant, pour arriver dans cette matière au plus haut degré possible de certitude, il faut que les calculs soient non-seulement exacts, mais appuyés sur des suppositions géométriques certaines ou évidentes par elles-mêmes ; il faut de plus que le calcul et l’observation soient d’accord sur toutes les inégalités de la lune. Si on se bornait à n’en examiner qu’un certain nombre, il résulterait sans doute du succès de ce travail une prévention plus ou moins favorable, selon le nombre et l’importance des points qu’on aurait discutés : mais le physicien sage suspendrait encore son jugement : encouragé seulement par ce premier trait de lumière, il n’en mettrait que plus de soin à approfondir le reste. Un seul article où l’observation démentirait