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DU MONDE.

qu’elle ne pouvait subsister ; c’est ce qui obligea Newton à lui substituer riiypothèse de la gravitation universelle, qui a cessé presque entre ses mains d’être une hypothèse, par son accord admirable avec les observations astronomiques les plus délicates et les plus singulières.

Les principes fondamentaux de ce système ont été expliqués dans un si grand nombre de livres, et avec tant de force et de clarté, qu’il serait inutile d’en rien répéter ici. Je les supposerai tels qu’ils sont connus, réservant pour la fin de ce discours quelques réflexions générales sur ces principes même. Mon but principal est d’exposer d’abord le plus exactement et le plus succinctement qu’il me sera possible, le résultat du travail de Newton, ce qui reste à ajouter à ce travail, et l’objet que je me suis proposé dans cet ouvrage.

Je commencerai par la lune, parce qu’elle est, après le soleil, celui de tous les corps de notre système qui nous intéresse le plus ; et parce que son mouvement est altéré par des inégalités plus nombreuses, ou du moins plus sensibles que celles d’aucune des autres planètes.

La lune est attirée non-seulement par la terre, mais encore par le soleil ; et c’est à cette dernière attraction qu’on doit attribuer les irrégularités de son cours. Il faut pourtant remarquer que si l’attraction que le soleil exerce sur la lune était égale et parallèle à celle qu’il exerce sur la terre, ces irrégularités seraient nulles, du moins pour nous. Car l’effet de l’action du soleil sur les deux planètes étant le même, elles se trouveraient dérangées de la même manière par cette action ; ainsi quoique le mouvement de la lune dans l’espace absolu en fût altéré, son mouvement relatif, c’est-à-dire son mouvement par rapport à la terre ne le serait pas : or ce dernier mouvement est le seul que nous ayons besoin de conniiître, et dont il soit question ici. La cause des irrégularités de la lune vient donc de l’inégalité et de la direction différente des deux attractions ; et il n’est pas difficile de comprendre ni la cause de cette inégalité, ni comment cette inégalité, jointe à la différence des directions, altère les mouvemens de cette planète. La lune, par son mouvement autour de la terre, se trouve tantôt plus près, tantôt plus loin du soleil que la terre, et par conséquent, suivant les lois de l’attraction, elle doit être tantôt plus, tantôt moins attirée par le soleil que la terre ; de plus il est aisé de voir que la li^ne menée du soleil à la lune fait presque toujours un angle avec la ligne menée du soleil à la terre, et qu’ainsi quand les deux attractions seraient égales, leurs directions ne seraient presque jamais parallèles.