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SUR LE SYSTÈME

n’ont été presque d’aucun secours sur ce point aux philosophes qui sont venus depuis. Il est vrai que les différentes hypolhèses imaginées par les modernes pour expliquer le système du monde l’avaient déjà été par les anciens ; et on n’en sera pas surpris, si on considère qu’en ce genre les hypothèses vraisemblables se présentent assez naturellement à l’esprit, que les combinaisons d’idées générales doivent être bientôt épuisées, et par une espèce de révolution forcée être successivement remplacées les unes par les autres. C’est par cette raison sans doute, pour le dire en passant, que nous n’avons aujourd’hui dans notre physique presque aucuns principes généraux dont l’énoncé, ou du moins le germe ne se trouve chez les anciens. C’est peut-être aussi pour cela que la philosophie moderne s’est rapprochée sur plusieurs points de ce qu’on a pensé dans le premier âge de la philosophie, parce qu’il semble que la première impression de la nature est de nous donner des idées justes, que l’on abandonne bientôt par incertitude ou par amour de la nouveauté, et auxquelles enfin on est forcé de revenir. Quoi qu’il en soit, ce que les anciens ont imaginé sur le système du monde, ou du moins ce qui nous reste de leurs opinions là-dessus, est si vague et si mal prouvé qu’on n’en saurait tirer aucune lumière réelle. On n’y trouve point ces détails précis, exacts et profonds qui sont la pierre de touche de la vérité d’un système, et que quelques auteurs affectent d’en appeler l’appareil, mais qu’on en doit regarder comme le corps et la substance, parce qu’ils en renferment les preuves les plus subtiles et les plus incontestables, et qu’ils en font par conséquent la difficulté et le mérite. En vain un savant illustre, en revendiquant nos hypothèses et nos opinions à l’ancienne philosophie, a cru la venger d’un mépris injuste, que les bons esprits et les vrais savans n’ont jamais eu pour elle. Sa dissertation sur ce sujet[1] ne fait, ce me semble, ni beaucoup de tort aux modernes, ni beaucoup d’honneur aux anciens, mais seulement beaucoup à l’érudition et aux lumières de son auteur.

Descartes est proprement le premier qui ait traité du système du monde avec quelque soin et quelque étendue. Ce grand philosophe, dans un temps où les observations astronomiques, la mécanique et la géométrie étaient encore très-imparfaites, imagina, pour expliquer les mouvemens des planètes, l’ingénieuse et célèbre hypothèse îles tourbillons ; mais si elle parut au premier coup d’œil conforme au gros des phénomènes, les détails et l’examen approfondi de ces mêmes phénomènes ont fait voir

  1. Voyez les Mémoires de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettre, t. 18, p. 97.