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DISCOURS PRÉLIMINAIRE
OU
ANALYSE DES RECHERCHES
SUR DIFFÉRENS POINTS IMPORTANS
DU SYSTÈME DU MONDE.

Si l’astronomie est une des sciences qui font le plus d’honneur à l’esprit humain, l’astronomie physique est une de celles qui en font le plus à la philosophie moderne. Il a fallu sans doute une longue suite de siècles pour que les hommes pussent parvenir à connaître avec quelque précision le mouvement de ce globe qu’ils habitent, et celui des autres corps de notre système planétaire ; et ce serait un ouvrage très-utile et très-philosophique, que celui où l’on exposerait en détail le progrès de l’astronomie, dans l’ordre ou réel, ou du moins vraisemblable, que ce progrès a dû suivre. Mais ce n’est pas une recherche moins digne d’un philosophe, que celle des différentes causes des phénomènes célestes. Il est même impossible qu’un pareil travail ne contribue très-efficacement à l’avancement rapide de l’astronomie. En effet, on ne pourra se flatter de savoir les véritables causes des mouvemens des planètes, que lorsqu’on pourra assigner par le calcul les effets que doivent produire ces causes, et faire voir que ces effets s’accordent avec ceux que l’observation nous a dévoilés ; or la combinaison de ces effets est assez considérable pour qu’il en reste encore beaucoup à découvrir ; par conséquent, dès qu’une fois on en connaîtra bien le principe, les conclusions géométriques qu’on en déduira feront en peu de temps apercevoir et prédire même des phénomènes cachés et fugitifs, qui auraient peut-être eu besoin d’un long travail pour être connus, démêlés et fixés par l’observation seule.

Soit que les anciens ne fussent pas assez exactement instruits des phénomènes célestes pour entreprendre de les expliquer en détail, soit que leur physique consistât plus dans la connaissance des faits que dans la recherche de leurs causes, soit enfin qu’ils n’eussent pas fait assez de progrès dans les sciences physico-mathématiques, pour être en état de réduire aux lois de la mécanique les mouvemens des corps célestes, leurs ouvrages