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ÉLOGE DE D’ALEMBERT

quitter la vie, il reprendrait tout son courage. Dans ses derniers jours, au milieu d’une société nombreuse, écoutant la conversation, l’animant encore quelquefois par des plaisanteries ou par des contes, lui seul était tranquille, lui seul pouvait s’occuper d’un autre objet que de lui-même, et avait la force de se livrer à la gaieté et à des amusemens frivoles.

Illustre par plusieurs de ces grandes découvertes qui assurent au siècle où elles ont été dévoilées l’honneur de former une époque dans la suite éternelle des siècles ; digne par sa modération, son désintéressement, la candeur et la noblesse de son caractère, de servir de modèle à ceux qui cultivent les sciences, et d’exemple aux philosophes qui cherchent le bonheur ; ami constant de la vérité et des hommes ; fidèle jusqu’au scrupule aux devoirs communs de la morale, comme aux devoirs que son cœur lui avait prescrits ; défenseur courageux de la liberté et de l’égalité dans les sociétés savantes ou littéraires dont il était membre ; admirateur impartial et sensible de tous les vrais talens ; appui zélé de quiconque avait du mérite ou des vertus ; aussi éloigné de toute jalousie que de toute vanité ; n’ayant d’ennemi que parce qu’il avait combattu des partis, aimé la vérité et pratiqué la justice ; ami assez tendre pour que la supériorité de son génie, loin de refroidir l’amitié en blessant l’amour-propre, ne fît qu’y ajouter un charme plus touchant, il a mérité de vivre dans le cœur de ses amis, comme dans la mémoire des hommes.

D’Alembert est mort le 29 octobre 1783.