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DE PHILOSOPHIE

du corps sonore les principales règles de l’harmonie. Mais ayant à débrouiller le premier cette matière difficile, qui sur un grand nombre de points importans ne paraît pas susceptible de démonstration, il a été souvent obligé, comme il le reconnaît lui-même, de multiplier les analogies, les transformations, les convenances, pour satisfaire la raison autant qu’il est possible dans l’explication des phénomènes. L’illustre artiste dont il s’agit, a été pour nous le Descartes de la musique. On ne peut se flatter, ce me semble, de faire quelque progrès dans la théorie de cette science, qu’en suivant la méthode qu’il a tracée.

XIX. HYDROSTATIQUE ET HYDRAULIQUE.

La seconde science dont nous avons à parler, est celle de l’équilibre et du mouvement des fluides, et de leur action sur les corps solides qui y sont plongés. La théorie de l’équilibre des fluides se nomme hydrostatique ; celle de leur mouvement et de leur résistance s’appelle hydraulique.

Si on connaissait la figure et la disposition mutuelle des particules qui composent les fluides, il ne faudrait point d’autres principes que ceux de la mécanique ordinaire, pour déterminer les lois de leur équilibre, de leur mouvement et de leur action ; car la recherche de ces lois dans un système quelconque de corpuscules, n’est qu’un problème de mécanique pour la solution duquel on a tous les principes qu’on peut désirer. Cependant plus le nombre des corpuscules serait grand, plus il deviendrait difficile d’appliquer le calcul aux principes d’une manière simple et commode ; ainsi une telle méthode ne serait guère praticable dans la mécanique des fluides. Mais nous sommes même bien éloignés d’avoir toutes les données nécessaires pour être à portée de faire usage de cette méthode. Nous ignorons la figure et l’arrangement des parties des fluides ; nous ignorons comment ces parties se meuvent entre elles. Il y a d’ailleurs une si grande différence entre un fluide et un amas de corpuscules solides, que les lois de la pression des fluides sont très-différentes des lois de la pression des solides. L’expérience seule a pu nous instruire en détail des lois de l’hydrostatique, que la théorie la plus subtile n’aurait jamais pu nous faire soupçonner ; et depuis même qu’elles sont connues, on n’a pu trouver encore d’hypothèse satisfaisante pour les expliquer, et pour les réduire aux principes ordinaires du mouvement et de l’équilibre. Aussi le mécanisme intérieur des fluides, si peu analogue à celui des autres corps, devrait être pour les philosophes un objet particulier d’admiration, si l’étude des phénomènes les plus simples ne