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ÉLÉMENS

tant plus de vitesse qu’elles en seront plus proches. Le sophisme des Cartésiens consiste en ce qu’ils supposent que l’élévation des eaux de la mer est produite par l’attraction totale que la Juiie exerce sur ces eaux ; au lieu qu’elle n’est produite que par la différence de cette attraction, et de celle que la lune exerce sur le centre de la terre.

Il en est de même d’une autre objection des Cartésiens sur les orbites planétaires. S’il était vrai, disent-ils, que les planètes eussent une force de tendance vers le soleil, elles devraient s’en approcher continuellement, et par conséquent décrire autour de cet astre des orbes en spirale au lieu de courbes qui rentrent en elles-mêmes. Mais qui ne voit que le mouvement des planètes dans leur orbite est composé de deux autres ; d’un mouvement rectiligne en vertu duquel elles tendent continuellement à s échapper par la tangente, et d’un mouvement de tendance vers Je soleil, qui change ce mouvement rectiligne en curviligne, et retient à chaque instant les planètes dans leur orbite ? Par le premier de ces mouvemens les planètes tendent à s’éloigner du soleil ; par le second elles tendent à s’en rapprocher. Si donc la force du premier mouvement pour les éloigner du centre, est plus grande que celle du second mouvement pour les en rapprocher, el’es doivent s’éloigner du soleil malgré leur gravitation vers cet astre. Le calcul seul peut déterminer les cas où l’une des deux forces l’emporte sur l’autre ; et ce calcul fait voir en effet que quand une planète est arrivée à une certaine distance du soleil, elle doit s’en éloigner de nouveau jusqu’à un certain point, pour s’en rapprocher ensuite.

Ces deux exemples indiquent suffisamment au philosophe la méthode qu’il doit suivre, soit pour déterminer la nature de la force qui fait tendre les planètes les unes vers les autres, soit pour connaître les effets de cette force. Mais en voilà assez par rapport à cet objet, le premier et presque le seul sur lequel doive rouler l’astronomie physique.

Nous finirons cet article par une observation que nous ne pouvons refuser à la vérité. Qu’on examine avec attention ce qui a été fait depuis quelques années par les plus habiles mathématiciens sur le système du monde, on conviendra, ce me semble, que l’astronomie physique est aujourd’hui plus redevable aux Français qu’à aucune autre nation. C’est dans les travaux qu’ils ont entrepris, dans les ouvrages qu’ils ont mis sous les yeux de l’Europe, que le système newtonien trouvera désormais ses preuves les plus incontestables et les plus profondes. Il est vrai qu’en mathématique, toutes choses d’ailleurs égales, chaque siècle doit l’emporter sur celui qui le précède, parce qu’en pro-