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DE PHILOSOPHIE.

deux exemples. Les philosophes conviennent unanimement que le flux et reflux de la mer est du principalement à l’action de la lune ; mais ils se partagent sur la manière dont cette action produit le flux et reflux. Les Cartésiens prétendent que la lune en passant au-dessus de la terre presse le fluide renfermé entre la terre et elle, et que la pression de ce fluide fait soulever les eaux au-dessous de la lune. On leur objecte avec raison que cette pression devrait refouler les eaux au lieu de les élever. Mais de leur côté ils objectent aux Newtoniens, que si l’attraction de la lune sur la terre produisait le flux et reflux, cette attraction en élevant les eaux dans le méridien au-dessus duquel la lune est placée, devrait les abaisser dans la partie opposée du même méridien ; or il est bien constaté par les observations que les eaux s’élèvent également quand la lune passe au méridien, soit au-dessus soit au-dessous de l’horizon. Pour répondre sans figure, sans calcul, et d’une manière simple et facile à cette objection tant répétée, une des principales que les Cartésiens ont opposée au système de la gravitation, imaginons que la terre soit une masse en partie solide et en partie fluide, et que la lune exerce son attraction sur cette masse ; supposons de plus que les parties dont la terre est composée gravitent vers son centre, en même temps qu’elles sont attirées par la lune ; il est certain que si toutes les parties du fluide et du globe qu’il couvre étaient attirées avec une égale force, et suivant des directions parallèles, l’action de la lune n’aurait d’autre effet que de mouvoir ou de déplacer toute la masse du globe et du fluide, sans causer d’ailleurs aucun dérangement dans la situation respective de leurs parties. Mais suivant les lois de l’attraction, les parties de l’hémisphère supérieur, c’est-à-dire de celui qui est le plus près de la lune, sont attirées avec plus de force que le centre du globe, et au contraire les parties de l’hémisphère inférieur sont attirées avec moins de force ; d’où il s’ensuit que le centre du globe étant mû par l’action de la lune, le fluide qui couvre l’hémisphère supérieur, et qui est attiré plus fortement, doit tendre à se mouvoir plus vite que le centre, et par conséquent s’élever avec une force égale à l’excès de la force qui l’attire sur celle qui attire le centre. Au contraire le fluide de l’hémisphère inférieur étant nioins attiré que le centre du globe, doit se mouvoir moins vite ; il doit donc fuir ce centre pour ainsi dire, et s’en éloigner avec une force à peu près égale à celle du fluide de l’hémisphère supérieur. Ainsi le fluide s’élèvera aux deux points opposés qui sont dans la ligne par où passe la lune. Toutes les parties de ce fluide accourront, si on peut s’exprimer ainsi, pour s’approcher de ces points avec d’au-