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ÉLÉMENS

lieu, les attractions tant magnétiques qu’électriques, paraissent l’effet d’un fluide invisible, et doivent nous faire douter si un pareil fluide n’est pas aussi la cause des autres attractions qu’on observe entre les corps terrestres. En troisième lieu, l’expérience prouve invinciblement que la force attractive entre les corps terrestres doit avoir d’autres lois que celles de l’attraction planétaire ; et c’est peut-être une raison de douter qu’elle existe en effet ; car il n’est pas naturel de penser que la loi de l’attraction, si cette loi est un principe primitif, ne soit pas uniforme et absolument la même pour toutes les parties de la matière. Quelques philosophes, il est vrai, ont imaginé des lois d’attraction qui paraissent renfermer celle des corps célestes et celle qu’on suppose entre les corps terrestres qui nous environnent. Mais outre que les lois imaginées à cet effet n’ont pas cette simplicité qui pourrait seule prévenir en leur faveur, elles ne sont pas aussi propres qu’on l’imagine à concilier tous les phénomènes. Car suivant ces lois l’attraction devrait être presque infiniment grande dans le contact des corps ; ainsi la pesanteur des corps qui touchent la surface de la terre, devrait être fort différente de celle des corps qui en sont peu éloignés, ce qui est contraire aux observations. Gardons-nous donc bien de précipiter notre jugement sur la nature et sur l’existence même d’une force attractive entre les corps terrestres. Le système du monde nous donne lieu de soupçonner légitimement que les mouvemens des corps n’ont peut-être pas l’impulsion seule pour cause ; que ce soupçon nous rende sage ; ne nous pressons pas de conclure que l’attraction soit un principe universel jusqu’à ce que nous y soyons forcés par les phénomènes. Nous aimons, il est vrai, à généraliser en philosophie nos découvertes, et jusqu’à nos hypothèses ; cette manière de raisonner nous plaît, parce qu’elle flatte notre vanité et soulage notre paresse ; mais la nature n’est pas obligée de se conformer à nos idées. Tâchons de bien distinguer ce qui est autour de nous, et ne portons notre vue au-delà qu’avec beaucoup de timidité : autrement nous n’en verrions que plus mal en croyant voir plus loin ; les objets éloignés seraient toujours confus, et ceux qui étaient à nos pieds nous échapperaient.

Nous avons dit plus haut que les phénomènes sont le seul moyen de juger l’attraction. Mais s’il ne faut pas prononcer trop légèrement qu’ils y sont conformes, il ne faut pas non plus juger trop précipitamment qu’ils y sont contraires. Tel effet qui paraît contredire en apparence le système de la gravitation, en devient une des plus fortes preuves quand on sait l’approfondir, et démêler les causes qui le produisent. Nous n’en apporterons que