Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/358

Cette page n’a pas encore été corrigée
318
ÉLÉMENS

différent de celui des autres hommes, les porte à ne chercher d’abord ni uniformité ni loi dans les phénomènes qu’ils observent. Commencent-ils à y soupçonner quelque marche régulière ? Ils imaginent aussitôt la plus parfaite et la plus simple. Bientôt une observation plus suivie les détrompe, et souvent même les ramène précipitamment à leur premier avis. Enfin une étude longue, assidue, dégagée de préventions et de système, les remet dans les limites du vrai, et leur apprend que pour l’ordinaire la loi des phénomènes n’est ni assez peu composée pour être aperçue tout à coup, ni aussi irrégulière qu’on pourrait le penser ; que chaque effet venant toujours du concours de plusieurs causes, la manière d’agir de chacune est simple, mais que le résultat de leur action réunie est compliqué quoique régulier, et que tout se réduit à décomposer ce résultat pour en démêler les différentes parties. Parmi une infinité d’exemples qu’on pourrait apporter de ce que nous avançons ici, le mouvement des planètes en fournit un bien frappant. À peine a-t-on soupçonné que les planètes se mouvaient circulairement, qu’on leur a fait décrire des cercles parfaits et d’un mouvement uniforme, d’abord autour de la terre, puis autour du soleil comme centre ; l’observation ayant montré bientôt après que les planètes étaient tantôt plus, tantôt moins éloignées du soleil, on a déplacé cet astre du centre des orbites, mais sans rien changer, ni à la figure circulaire, ni à l’uniformité de mouvement qu’on avait supposées ; on s’est aperçu ensuite que les orbites n’étaient ni circulaires, ni décrites uniformément, et on leur a donné la figure elliptique, la plus simple des ovales’que nous connaissions ; enfin on a vu que cette figure ne répondait pas encore à tout ; que plusieurs des planètes, entre autres Saturne, Jupiter et la Lune, ne s’y assujétissaient pas exactement dans leur cours ; on a tâché de découvrir la loi de leurs inégalités, et c’est le grand objet qui occupe aujourd’hui les savans.

Ainsi des élémens d’astronomie, composés suivant la méthode des inventeurs, et conforiuément au plan que nous proposons, montreraient comment on est parti d’abord des hypothèses les plus simples pour rendre raison des phénomènes ; comment ou a ensuite rectifié ces hypothèses à mesure que les phénomènes ont été mieux connus ; et comment enfin on est parvenu insensiblement à porter l’astronomie au point de perfection où nousla voyons.

Mais si l’astronomie est une des sciences qui font le plus d’honneur à l’esprit humain, l’astronomie physique est une de celles qui en font le plus à la philosophie moderne. La recherche des causes des phénomènes célestes, dans laquelle on fait aujour-