Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée
312
ÉLÉMENS

dans le mouvement d’un corps isolé, soit dans celui de plusieurs corps qui agissent les uns sur les autres, il en est un qui, dans cliaque cas, doit infailliblement avoir lieu, en conséquence de l’existence seule de la matière, et abstraction faite de tout autre principe différent, qui pourrait modifier cet effet ou l’altérer. Voici donc la route qu’un philosophe doit suivre pour résoudre la question dont il s’agit. Il doit tâcher d’abord de découvrir par le raisonnement quelles seraient les lois de la statique et de la mécanique dans la matière abandonnée à elle-même ; il doit examiner ensuite par l’expérience quelles sont ces lois dans l’univers ; si les unes et les autres sont différentes, il en conclura que les lois de la statique et de la mécanique, telles que l’expérience les donne, sont de vérité contingente, puisqu’elles seront la suite d’une volonté particulière et expresse de l’Être suprême ; si au contraire les lois données par l’expérience s’accordent avec celles que le raisonnement seul a fait trouver, il en conclura que les lois observées sont de vérité nécessaire ; non pas en ce sens que le Créateur n’eût pu établir des lois toutes différentes, mais en ce sens qu’il n’a pas jugé à propos d’en établir d’autres que celles qui résultaient de l’existence même de la matière.

Or il est démontré qu’un corps abandonné à lui-même, doit persister éternellement dans son état de repos ou de mouvement uniforme ; il est démontré de même que, s’il tend à se mouvoir à la fois suivant les deux côtés d’un parallélogramme quelconque, îa diagonale est la direction qu’il doit prendre de lui-même, et pour ainsi dire, choisir entre toutes les autres. Il est démontré enfin que toutes les lois de la communication du mouvement entre les corps se réduisent aux lois de l’équilibre, et que les lois de l’équilibre se réduisent elles-mêmes à celles de l’équilibre de deux corps égaux, animés en sens contraires de vitesses virtuelles égales. Dans ce dernier cas, les mouvemens des deux corps se détruiront évidemment l’un l’autre ; et par une conséquence géométrique, il y aura encore nécessairement équilibre, lorsque les masses seront en raison inverse des vitesses ; il ne reste plus qu’à savoir si le cas de l’équilibre est unique, c’est-à-dire, si quand les masses ne seront pas en raison inverse des vitesses, un des corps devra nécessairement obliger l’autre à se mouvoir. Or il est aisé de sentir que dès qu’il y a un cas possible et nécessaire d’équilibre, il ne saurait y en avoir d’autres : sans cela les lois du choc des corps, qui se réduisent nécessairement à celles de l’équilibre, deviendraient indéterminées ; ce qui ne saurait être, puisqu’un corps venant en choquer un autre, il doit nécessairement en résulter un effet unique, suite indispensable de l’exisience et de l’impénétrabilité de ces corps. On peut d’ailleurs dé-