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DE PHILOSOPHIE.

du mouvement. Qu’on propose le même problème de mécanique à résoudre à deux géomètres, dont l’un soit adversaire et l’autre partisan des forces vives, leurs solutions, si elles sont bonnes, seront toujours parfaitement d’accord ; la question de la mesure des forces est donc entièrement inutile à la mécanique, et même sans aucun objet réel. Aussi n’aurait-elle pas sans doute enfanté tant de volumes, si on se fût attaché à distinguer ce qu’elle renfermait de clair et d’obscur. En s’y prenant ainsi, on n’aurait eu besoin que de quelques lignes pour décider la question ; mais il semble que la plupart de ceux qui ont traité cette matière, aient craint de la traiter en pende mots.

La réduction de toutes les lois de la mécanique à trois, celle de la force d’inertie, celle du mouvement composé, et celle de l’équilibre, peut servir à résoudre le grand problème métaphysique, proposé depuis peu par une des plus célèbres académies de l’Europe, si les lois du mouvement et de l’équilibre des corps sont de vérité nécessaire ou contingente ? Pour fixer nos idées sur cette question, il faut d’abord la réduire au seul sens raisonnable qu’elle puisse avoir. Il ne s’agit pas de décider si l’auteur de la nature aurait pu lui donner d’autres lois que celles que nous y observons ; dès qu’on admet un être intelligent, capable d’agir sur la matière, il est évident que cet être peut, à chaque instant, la mouvoir et l’arrêter à son gré, ou suivant des lois uniformes, ou suivant des lois qui soient différentes pour chaque instant et pour chaque partie de matière ; l’expérience continuelle des mouvemens de notre corps, nous prouve assez que la matière, soumise à la volonté d’un principe pensant, peut s’écarter dans ses mouvemens de ceux qu’elle aurait véritablement si elle était abandonnée à elle-même. La question proposée se réduit donc à savoir si les lois de l’équilibre et du mouvement qu’on observe dans la nature, sont différentes de celles que la matière abandonnée à elle-même aurait suivies ; développons cette idée. Il est de la dernière évidence, qu’en se bornant à supposer l’existence de la matière et du mouvement, il doit nécessairement résulter de cette double existence certains effets ; qu’un corps mis en mouvement par quelque cause, doit ou s’arrêter au bout de quelque temps, ou continuer toujours à se mouvoir ; qu’un corps qui tend à se mouvoir à la fois suivant les deux côtés d’un parallélogramme, doit nécessairement décrire, ou la diagonale, ou quelque autre ligne ; que quand plusieurs corps en mouvement se rencontrent et se choquent, il doit nécessairement arriver, en conséquence de leur impénétrabilité mutuelle, quelque changement dans l’état de tous ces corps, ou au moins dans l’état de quelques uns d’entre eux. Or des différens eifels possibles, soit