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DE PHILOSOPHIE.

couft en temps égal deux fois autant d’espace, sans prétendre pour cela que ce mot de DÏtesse représente un être inhérent au corps. Ceci bien entendu, il est clair qu’on peut opposer au mouvement d’un corps trois sortes d’obstacles : ou des obstacles invincibles qui anéantissent tout-à-fait son mouvement, quel qu’il puisse être : ou des obstacles qui n’aient précisément que la résistance nécessaire pour anéantir le mouvement du corps, et qui l’anéantissent dans un instant ; c’est le cas de l’équilibre : ou enfin des obstacles qui anéantissent le mouvement peu à peu ; c’est le cas du mouvement retardé. Comme les obstacles insurmontables anéantissent également toutes sortes de mouvement, ils ne peuvent servir à faire connaître la force : ce n’est donc que dans l’équilibre ou dans le mouvement retardé qu’on doit en chercher la mesure. Or tout le monde convient qu’il y a équilibre entre deux corps, quand les produits de leurs masses, par leurs vitesses virtuelles, c’est-à-dire par les vitesses avec lesquelles ils tendent à se mouvoir, sont égaux de part et d’autre. Donc dans l’équilibre le produit de la masse par la vitesse, ou, ce qui est la même chose, la quantité du mouvement, peut représenter la force. Tout le monde convient aussi que dans le mouvement retardé, le nombre des obstacles vaincus est comme le carré de la vitesse ; en sorte qu’un corps qui a fermé un ressort, par exemple, avec une certaine vitesse, pourra avec une vitesse double fermer, ou tout à la fois, ou successivement, non pas deux, mais quatre ressorts semblables au premier, neuf avec une vitesse triple, et ainsi du reste. D’où les partisans des forces vives concluent que la force des corps qui se meuvent actuellement, est en général comme le produit de la masse par le carré de la vitesse. Au fond, quel inconvénient pourrait-il y avoir à ce que la mesure des forces fut différente dans l’équilibre et dans le mouvement retardé, puisque, si l’on ne veut raisonner que d’après des idées claires, on doit n’entendre, par le mot de force, que l’effet produit en surmontant l’obstacle ou en lui résistant ? Il faut avouer cependant que l’opinion de ceux qui regardent la force comme le produit de la masse par la vitesse, peut avoir lieu non-seulement dans le cas de l’équilibre, mais aussi dans celui du mouvement retardé, si dans ce dernier cas on mesure la force, non par la quantité absolue des obstacles, mais par la somme des résistances de ces mêmes obstacles. Car on ne saurait douter que cette somme de résistances ne soit proportionnelle à la quantité de mouvement, puisque, de l’aveu de tout le monde, la quantité de mouvement que le corps perd à chaque instant, est proportionnelle au produit de la résistance par la durée infiniment petite de l’instant, et que la somme de ces pro-