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DE PHILOSOPHIE.

est évident qu’il suffit de décomposer le mouvement qu’avait le corps avant la rencontre de l’obstacle, en deux autres mouvemens, tels que l’obstacle ne nuise point à l’un, et qu’il anéantisse l’autre. Par là on peut non-seulement démontrer les lois du mouvement changé par des obstacles insurmontables, les seules qu’on ait trouvées jusqu’à présent par cette méthode ; on peut encore déterminer dans quel cas le mouvement est détruit par ces mêmes obstacles. À l’égard des lois du mouvement changé par des obstacles qui ne sont pas insurmontables en eux-mêmes, il eit clair, par la même raison, qu’en général il ne faut, pour déterminer ces lois, qu’avoir bien constaté celles de l’équilibre.

Or, quelle doit être la loi générale de l’équilibre des corps ? Tous les géomètres conviennent que deux corps, dont les directions sont opposées, se font équilibre quand leurs masses sont en raison inverse des vitesses avec lesquelles ils tendent à se mouvoir ; mais il n’est peut-être pas facile de démontrer cette loi en toute rigueur, et d’une manière qui ne renferme aucune obscurité ; aussi la plupart des géomètres ont-ils mieux aimé la traiter d’axiome, que de s’appliquer à la prouver. Cependant, si on y fait attention, on verra qu’il n’y a qu’un seul cas où l’équilibre se manifeste d’une manière claire et distincte ; c’est celui oii les masses des deux corps sont égales, et leurs vitesses égales et opposées. Le seul parti qu’on puisse prendre, ce me semble, pour démontrer l’équilibre dans les autres cas, est de les réduire, s’il se peut, à ce premier cas simple et évident par lui-même.

Le principe de l’équilibre, joint à ceux de la force d’inertie et du mouvement composé, nous conduit donc à la solution de tous les problèmes oii l’on considère le mouvement d’un corps, en tant qu’il peut être altéré par un obstacle impénétrable et mobile, c’est-à-dire en général par un autre corps à qui il doit nécessairement communiquer du mouvement pour conserver au moins une partie du sien. De là ces lois générales de la communication du mouvement, que les philosophes ont enfin trouvées, après avoir long-temps ignoré qu’il y en eût, et après s’être longtemps trompé sur les lois véritables.

Si les principes de la force d’inertie, du mouvement composé, et de l’équilibre, sont essentiellement différens l’un de l’autre, comme on ne peut s’empêcher d’en convenir ; et si d’un autre côté, ces trois principes suffisent à la mécanique, c’est avoir réduit cette science au plus petit nombre de principes possibles, que d’établir sur ces trois principes toutes les lois du mouvement des corps dans des circonstances quelconques.

À l’égard des démonstrations de ces principes en eux-mêmes, le plan qu’on doit suivre pour leur donner toute la clarté et la