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DE PHILOSOPHIE.

même instant, ou dans des instans différens ; et le mouvement uniforme est le seul qui ait cette propriété. C’est pourquoi si on divise le temps en parties quelconques, égales ou inégales à volonté, et si on trouve que les espaces parcourus par deux corps durant une même partie de ce temps, sont toujours dans le même rapport, plus le nombre des parties du temps sera grand, plus on sera en droit de conclure que le mouvement de chaque corps est uniforme.

Aucun de ces trois moyens n’est exact dans la rigueur géométrique ; mais ils suffisent, surtout quand ils sont répétés et réunis, pour tirer une conclusion valable, sinon sur l’uniformité absolue du mouvement, au moins sur l’uniformité très-approchée.

Après cette digression, qui même, à proprement parler, n’en est pas une, sur la mesure du temps par le mouvement, revenons aux principes de la mécanique.

La force d’inertie, c’est-à-dire, la propriété qu’ont les corps de persévérer dans leur état de repos ou de mouvement, étant une fois établie, il est clair que le mouvement, qui a besoin d’une cause pour commencer au moins à exister, ne saurait non plus être accéléré ou retardé que par une cause étrangère. Or, quelles sont les causes capables de produire ou de changer le mouvement dans les corps ? Nous n’en connaissons jusqu’à présent que de deux : sortes. Les unes se manifestent à nous en même temps que l’effet qu’elles produisent, ou plutôt dont elles sont l’occasion : ce sont celles qui ont leur source dans l’action sensible et mutuelle des corps, résultante de leur impénétrabilité : elles se réduisent à l’impulsion et à quelques autres actions dérivées de celles-là. Toutes les autres causes ne se font connaître que par leur effet, et nous en ignorons entièrement la nature : telle est la cause qui fait tomber les corps pesans vers le centre de la terre, et celle qui retient les planètes dans leurs orbites.

Nous verrons bientôt comment on peut déterminer les effets de l’impulsion, et des causes qui peuvent s’y rapporter. Pour nous en tenir ici à celles de la seconde espèce, il est clair que lorsqu’il est question des effets produits par de telles causes, ces effets doivent toujours être donnés indépendamment de la connaissance de la cause, puisqu’ils ne peuvent en être déduits. C’est ainsi que sans connaître la cause de la pesanteur, nous apprenons, par l’expérience, que les espaces décrits par un corps qui tombe, sont entre eux comme les carrés des temps. En général, dans les mouvemens variés dont les causes sont inconnues, il est évident que l’effet, produit par la cause, soit dans un temps fini, soit dans un instant, doit toujours être donné par l’équa-