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ÉLÉMENS

découvert auparavant, par quelque moyen particulier, l’analogie entre le rapport des temps et celui des espaces parcourus, qui conviendrait au mouvement proposé. D’ailleurs, comment connaître cette analogie autrement que par l’expérience, et l’expérience ne supposerait-elle pas qu’on eût déjà une mesure du temps fixe et certaine ?

Mais le moyen de s’assurer, dira-t-on, qu’un mouvement soit parfaitement uniforme ? Je réponds d’abord qu’il n’y a non plus aucun mouvement non uniforme dont nous sachions exactement la loi, et qu’ainsi cette difficulté prouve seulement que nous ne pouvons connaître exactement et en toute rigueur le rapport des parties du temps ; mais il ne s’ensuit pas de là que le mouvement uniforme n’en soit, par sa nature seule, la première et la plus simple mesure. Aussi, ne pouvant avoir de mesure du temps précise et rigoureuse, c’est dans les mouvemens à peu près uniformes que nous en cherchons la mesure au moins approchée. Nous avons trois moyens de juger qu’un mouvement est à peu près uniforme ; 1o. Quand le corps oui se meut parcourt des espaces égaux, dans des temps que nous avons lieu de juger égaux ; et nous avons lieu de juger les temps égaux, quand nous avons observé, par une expérience réitérée, qu’il se passe durant ces temps des effets semblables, que nous avons lieu de juger devoir durer également long-temps : ainsi nous avons lieu de juger que les temps qu’une même clepsydre met à se vider, sont égaux ; si donc pendant ces temps un corps parcourt des espaces égaux, nous avons lieu de juger que son mouvement est uniforme. 2o. Quand nous avons lieu de croire que l’effet de la cause accélératrice ou retardatrice, s’il y en a une, ne peut être qu’insensible : c’est par la réunion de ces deux moyens qu’on a jngé que le mouvement de la terre autour de son axe est uniforme ; et cette supposition non-seulement n’est point contredite par les autres phénomènes célestes, mais elle paraît même s’y accorder parfaitement. 3o. Quand nous comparons le mouvement dont il s’agit à d’autres mouvemens, et que nous observons la même loi dans les uns et les autres. Ainsi, si plusieurs corps se meuvent de manière que les espaces qu’ils parcourent durant un même temps soient toujours entre eux, ou exactement, ou à peu près dans le même rapport, on juge que le mouvement de ces corps est ou exactement, ou au moins à très-peu près uniforme. Car si un corps qui se meut uniformément parcourt un certain espace durant un temps pris à volonté, et qu’un autre corps, se mouvant aussi uniformément, parcoure un autre espace pendant le même temps, le rapport des espaces sera toujours le même, soit que les deux corps aient commencé à se mouvoir dans le