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ÉLÉMENS

géométrie le rapport des parties d’une ligne à celui des parties d’une autre ligne ; d’où il est aisé de voir que, par l’application seule de la géométrie et du calcul, ou peut, sans le secours d’aucun autre principe, trouver les propriétés générales du mouvement, varié suivant une loi quelconque. Mais comment arrivet-il que le mouvement d’un corps suive telie ou telle loi particulière ? C’est sur quoi la géométrie seule ne peut riei nous apprendre, et c’est aussi ce qu’on peut regarder comme le premier problème qui appartienne immédiatement à ia mécanique.

On voit d’abord fort clairement qu’un corps ne peut se donner le mouvement à lui-même. Il ne peut donc être tiré du repos que par l’action de quelque cause étrangère. Mais continue-t-il à se mouvoir de lui-même, ou a-t-il besoin pour se mouvoir de l’action répétée de la cause ? Quelque parti qu’on, pût prendre là-dessus, il sera toujours incontestable que l’existence du mouvement étant une fois supposée sans aucune autre hypothèse particulière, la loi la plus simple, qu’un mobile puisse observer dans son mouvement, est la loi d’uniformité, et c’est par conséquent celle qu’il doit suivre. Le mouvement est donc uniforme par sa nature : il est vrai que les preuves qu’on a données jusqu’à jîrésent de ce principe, ne sont peut-être pas fort convaincantes ; le philosophe fera sentir les diflicultés qu’on peut y opposer, et montrera le chemin qu’on doit prendre pour éviter de s’engager à les résoudre[1].

Cette loi d’uniformité, essentielle au mouvement considéré en lui-même, fournit une des meilleures raisons sur lesquelles la mesure du temps, par le mouvement uniforme, paraisse appuyée. Quoique cette discussion ne soit pas absolument essentielle à la mécanique, cependant, comme elle n’y est pas non plus entièrement étrangère, nous entrerons ici dans quelque détail à ce sujet.

Comme le rapport des parties du temps nous est inconnu en lui-même, l’unique moyen que nous puissions employer pour découvrir ce rapport, c’est d’en chercher quelque autre plus sensible et mieux connu, auquel nous puissions le comparer. On aura donc trouvé la mesure du temps la plus simple, si on vient à bout de comparer, de la manière la plus simple qu’il soit possible, le rapport des parties du temps avec celui de tous les rapports qu’on connaît le mieux. De là il résulte que le mouvement uniforme est la mesure du temps la plus simple. Car, d’un côté, le rapport des parties d’une ligne droite est celui que

  1. Voyez sur cela la première partie du Traité de Dynamique, art. 6, 7 et 8 de la nouvelle édition.