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ÉLÉMENS

Il résulte de ce que nous avons dit ailleurs sur la clarté et l’utilité des notions abstraites[1], que pour traiter, suivant la meilleure méthode possible, quelque partie des mathématiques que ce soit, nous pourrions même dire quelque science que ce puisse être, il est nécessaire non-seulement d’y introduire et d’y appliquer, autant qu’il se peut, des connaissances puisées dans des sciences plus abstraites, et par conséquent plus simples, mais encore d’envisager de la manière la plus abstraite et la plus simple qu’il se puisse, l’objet particulier de cette science ; de ne rien supposer, ne rien admettre dans cet objet, que les propriétés que la science même qu’on y traite y suppose. De là résultent deux avantages : les principes reçoivent toute la clarté dont ils sont susceptibles ; ils se trouvent d’ailleurs réduits au plus petit nombre possible, et par ce moyen ils ne peuvent manquer, comme nous l’avons dit encore, d’acquérir en même temps plus d’étendue.

On a pensé depuis long-temps, et même avec succès, à remplir dans les mathématiques une partie du plan que nous venons de tracer : on a appliqué heureusement l’algèbre à la géoaiétrie, la géométrie à la mécanique, et chacune de ces trois sciences à toutes les autres, dont elles sont la base et le fondement. Mais on n’a pas été si attentif, ni à réduire les principes de ces sciences au plus petit nombre, ni à leur donner toute la clarté qu’on pouvait désirer. La mécanique surtout est celle qu’il paraît qu’on a négligée le plus à cet égard : aussi la plupart de ses principes, ou obscurs par eux-mêmes, ou énoncés et démontrés d’une manière obscure, ont-ils donné lieu à plusieurs questions épineuses.

Le philosophe mécanicien doit donc se proposer deux choses : de reculer les limites de la mécanique, et d’en aplanir l’abord ; il doit se proposer, de plus, de remplir en quelque sorte un de ces objets par l’autre, c’est-à-dire, non-seulement de déduire les principes de la mécanique des notions les plus claires, mais encore de les étendre en les réduisant ; de faire voir tout à la fois, et l’inutilité de plusieurs principes qu’on avait employés jusqu’ici dans la mécanique, et l’avantage qu’on peut tirer de la combinaison des autres pour le progrès de cette science. Pour donner une idée des moyens par lesquels on peut remplir ces différentes vues, il ne sera peut-être pas inutile d’entrer ici dans un examen raisonné de la science dont il est question.

Le mouvement et ses propriétés générales sont le premier et le principal objet de la mécanique ; cette science suppose l’existence du mouvement, et nous la supposerons aussi comme avouée et

  1. Voyez le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, p. 31 de ce volume.