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DE PHILOSOPHIE.

La grandeur, dit-il, est susceptible d’augmentation sans fin. Elle nest donc pas et ne peut être supposée dans le même cas que si elle n’était jjas susceptible d’augmentation sans fin : or, si elle n’était pas susceptible d’augmentation sans fin, elle resterait toujours finie ; donc étant susceptible d’augmentation sans fin, elle peut être supposée infinie. Il est aisé de répondre que la différence entre la grandeur susceptible d’augmentation sans fin, et la grandeur qui ne le serait pas, ne consiste point en ce que la seconde resterait toujours finie, au lieu que la première peut être supposée infinie, ; mais en ce que la seconde reste finie sans pouvoir passer certaines limites, au lieu que la première peut être supposée aussi grande qu’on voudra, en demeurant néanmoins toujours finie.

Aussi quel a été le fruit du principe hasardé d’où notre illustre philosophe est parti ? De le mener à des conséquences dont l’absurdité aurait du lui ouvrir les yeux sur ce principe même. Il donne, par exemple, pour réellement existantes, des quantités qu’il appelle finies indéterminables, et qui ne sont, selon lui, ni finies, ni infinies ; comme si de pareilles quantités n’étaient pas un véritable être de raison, dont il est impossible de se former aucune idée. Il est vrai que cette conclusion absurde est la suite nécessaire du principe, que la grandeur peut être supposée infinie ; car il est clair que dans son passage du fini à l’infini, qui ne saurait être un passage brusque, elle ne peut être ni finie ni infinie. C’est encore en vertu du même principe, que M. de Fontenelle a distingué différens ordres d’infinis et d’infiniment petits, qui n’existent pas plus les uns que les autres ; qu’il a distingué de même deux espèces d’infinis, l’infini métaphysique et l’infini géométrique, aussi chimériques l’un que l’autre, quand on voudra leur attribuer une existence réelle.

Nous avons tâché, dans l’éclaircissement particulier sur les principes du calcul infinitésimal, d’exposer la vraie métaphysique qui sert de base à ces principes, et à laquelle nous n’avons rien à ajouter ici ; cette métaphysique, et celle que nous avons tâché de répandre dans tout ce que nous avons dit ci-dessus, peuvent donner une idée suffisante de celle qui doit être employée en géométrie, et de celle qui doit y être proscrite.

XVI. MÉCANIQUE.

Les principes de la géométrie et ceux de l’algèbre renferment tout ce dont le philosophe a besoin pour arriver à la mécanique. Cette science mérite de nous arrêter.